mardi 13 juillet 2010

Une pseudo histoire des services secrets espagnols


Peut-on écrire une histoire des services secrets alors que les archives sont fermées et que les protagonistes sont encore tenus au secret ?

Tel est le dilemme auquel doivent s'affronter les auteurs assez téméraires pour vouloir écrire une histoire d'hommes sans histoire.

Aux Etats-Unis, de nombreux auteurs ont néanmoins réussi cet exercice grâce à un très sérieux travail d'enquête, rendu plus facile par une ouverture plus grande des institutions du renseignements par une plus grande liberté de parole des acteurs des guerres de l'ombre.

En Europe, rien de tel.

Ecrire l'histoire d'un service d'espionnage revient à reconstruire une affaire criminelle trente ans après les faits grâce à des coupures de presse.

Les exemples en France des livres publiés sur les affaires criminelles les plus emblématiques, songeons au calamiteux Pull-over rouge de Gilles Perrault, rappelle les limites de l'exercice.

Le journaliste espagnol Vicente Almenara vient de démontrer à nouveau la futilité de l'effort dans son livre Los Servicios de inteligencia en España dans lequel il retrace l'histoire des officines de Franco à nos jours.

Contrairement à ce qu'affirme l'éditeur, l'auteur n'a guère mouillé la chemise pour rechercher les témoignages d'anciens des services ou des politiques qui les ont contrôlés.

A défaut d'autre chose, ce livre comble une lacune mais il ne peut prétendre à ce qu'il n'est pas, une histoire des secrvices secrets espagnols.

Synthèse de coupures de presse et d'ouvrages d'investigation publiés au cours des années antérieures, le livre de Vicente Almenara évoque un chien déguisé en loup. En quelques coups de brosse, le féroce Canis lupus redevient l'affectueux Canis lupus familiaris.

Les 1295 notes en bas de page révèlent davantage l'absence totale de sources originales à la disposition de l'auteur. Il me semble que les deux seuls entretiens qu'il a réalisés sont ceux cités in extenso en fin d'opus.

A base de coupures de presse contradictoires et d'ouvrages partiels et partiaux, comment écrire autre chose qu'une chronologie améliorée ?

D'autre part, son exploitation des sources est bien souvent étonnante. Prenons l'exemple du GRAPO, ce mouvement trerroriste d'extrême gauche qui a sévi en Espagne, l'auteur s'appuie principalement sur des sources publiées à l'époque des événements dans un but clairement politique. Inexplicablement, il ne cite à aucun moment les souvenirs de Pio Moa qui fut membre de cette organisation et qui l'a longuement décryptée. De toute évidence, il n'a pas cherché à s'entretenir avec lui ou avec d'autres rescapée de cette minable épopée. Si, corrigeons notre propos, il cite bien quelques phrases de Pio Moa, mais reprises dans l'ouvrage d'un autre auteur.

Pour les visiteurs français, un décorticage plus détaillé de ce livre est peu utile. Q'il suffise de dire qu'il présente de manière synthétique l'information publiée et disponible sur les différentes organisations qui composent au fil du temps le renseignement espagnol.

Que les lecteurs ne s'attendent pas à des révélations fracassantes, mais il permet de suivre l'évolution des modestes moyens mis en place par le franquisme aux véritables usines à gaz qui servent actuellement le gouvernement socialiste. Il rappelle les grandes affaires qui ont secoué ce petit monde, de la transition à la lutte contre l'ETA. En revanche, inutile de chercher une analyse et une mise en parallèle avec les organisations des autres pays. La grave question du manque d'indépendance des espions espagnols vis à vis du pouvoir politique n'est même pas évoquée.

Enfin, l'éditeur n'a pas été à l'auteur d'un livre qui se veut une source d'information exploitable. Non seulement il a oublié les titres courants (!) et ne s'est pas donné la peine de créer un index, mais il a accepté la bibliographie fournie par l'auteur qui est un monument d'indigence. On y trouve dans ce capharnaüm des ouvrages dont le lien avec le sujet sont pour le moins tenus comme la Véritable histoire des taxis de la Marne d'Henri Carré (Paris, 1921) mais les livres cités dans les notes en bas de page et qui constituent la source principale de l'auteur brillent par leur absence comme celui de R. Martin Villa.