mercredi 29 octobre 2008

A la découverte des symboles nationaux de la Bretagne




Guide des drapeaux bretons et celtes
Divi Kervella Mikael Bodlore-Penlaez
Yoran Embanner, 200 p., ill., vocabulaire, index, 13,50 e,
ISBN 978-2-916579-12-2.


Que faut-il pour devenir un bon « britto-vexillologue » (un spécialiste des drapeaux bretons) ? Probablement se plonger la tête la première dans l'ouvrage que viennent d'écrire et de réaliser les deux auteurs, acteurs reconnus de la scène culturelle bretonne.

Chaque nation possède des caractéristiques propres, une langue, une origine et une histoire communes, un sentiment d'appartenance à une aventure collective, des symboles reconnus par tous, une autonomie politique. La Bretagne possède ces caractéristiques à l'exception de l'autonomie politique. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé.

D'autres nations européennes, certaines indépendantes ou autonomes, sont dans le même cas, citons l'Ecosse, l'Irlande ou la Catalogne (encore que, dans le cas catalan, la couronne d'Aragon soit pour beaucoup dans sa projection historique).

En revanche, ce n'est pas le cas des Basques qui, en dépit d'être un peuple particulier, ne se sont pas découvert une volonté de maîtriser l'histoire avant la fin du XIXe siècle. N'ayant jamais été indépendants, voilà pourquoi ils ne possèdent pas les attributs traditionnels de la souveraineté au point qu'ils ont dû les inventer, le plus bel exemple étant leur drapeau, L'ikurriña que ses détracteurs surnomment méchamment le drapeau du duc de Berwick tant il ressemble à certains drapeaux régimentaires du XVIIe siècle.


Le drapeau du régiment du duc de Berwick au service de la France.

Pour en revenir à la Bretagne, rien de mieux que ce manuel consacré à l'histoire des drapeaux de la Bretagne pour mieux comprendre les symboles de la nation bretonne ainsi que leur histoire riche et complexe.

La Bretagne compte au rang des nations les plus anciennes d'Europe. Ses racines remontent à l'Empire romain quand des soldats venus de l'île de Bretagne s'installent en Armorique avec leurs familles. En quatre siècles, les protecteurs se transforment en maîtres, imposant leurs lois, leur langue dans tout l'ouest armoricain et repoussant le pouvoir franc jusqu'au sud de la Loire, le Cotentin et le Maine.

Les provinces historiques de la Bretagne.


Les racines de ces Bretons remontent aux différentes nations celtiques dont ils sont issus. Ces peuples avaient eux aussi des enseignes que les auteurs reconstituent comme la bannière à la main rouge. Devenus citoyens romains, s'engageant volontiers dans les légions pour défendre les frontières et les rivages de l'Empire.

Ces populations britto-romaines ont conservé le goût pour la symbolique militaire de Rome et l'ont gardée bien au-delà de la chute de l'Empire. Les auteurs avancent qu'une part des traditions bretonnes, comme les bannières, trouvent leur origine dans les bannières légionnaires romaines. Il est vrai que les exemples de continuité entre les légions romaines venues de Bretagne en Armorique et la symbolique tant insulaire que bretonne est frappante et éclaire l'histoire des origines de la Bretagne d'une lumière nouvelle. À juste titre les auteurs insistent sur le dragon, figure emblématique du Pays de Galles qui a dominé toute l'histoire britto-romaine et qui trouve son origine dans l’armée impériale tardive.

Progressivement, les Bretons du continent s'éloignent des traditions insulaires pour créer leur propre univers symbolique lequel intègre des modèles et des pratiques des voisins des Bretons. On peut regretter que les auteurs survolent avec beaucoup de discrétion la période royal (et aussi la plus glorieuse de l'histoire bretonne). Il est difficile de leur en vouloir tant le manque de documents se fait sentir cruellement.

Au Moyen Age, l'invention de l'héraldique répond à un besoin pratique, celui de reconnaître au cœur de la bataille les chevaliers sans avoir besoin de voir leur visage, souvent dissimulé par leur cuirasse. Mais, précisent les auteurs, il ne faut pas confondre l'écu avec la bannière. le premier est individuel et le second collectif.

Cette double page consacrée aux bannières des ducs de Bretagne donne une bonne idée de la qualité du travail des auteurs.


Beaucoup de lecteurs seront étonnés d'apprendre que l'hermine au départ n'a rien de breton, elle arrive dans les bagages de Pierre de Dreux, un prince français imposé par Philippe Auguste comme époux d'Alix, héritière du duché. L'hermine est en héraldique la fourrure d'un petit carnassier, entièrement blanc en hiver à l'exception de sa queue noire. La queue est cousue au centre de chaque peau lesquelles assemblées forment la fourrure, les queues noires jouant le rôle de mouchetures. Les deux pointes latérales de l'hermine représentent l'attache et la troisième, le bout de la queue sur la peau (et non les trois, comme l’écrivent les auteurs).

C'est le duc Jean III qui décide l'abandon des armes des Dreux pour revendiquer un écu d'hermine plain. Les auteurs expliquent fort bien les motifs probables du changement. Le duc ne veut plus rappeler par ses armes qu'il est issu d'une branche cadette des rois de France, le champ d'hermines se comparant favorablement aux fleurs de lys des armes de France.

D’autres circonstances historiques conduisent les Bretons à adopter les couleurs blanc et noir tout comme ils choisissent pour drapeau la croix noire sur fond blanc. Mais il semble que la guerre de Cent ans soit à l'origine de l'adoption et non pas les Croisades où les Bretons sont partis arborant la croix rouge comme tout un chacun.

Après une longue éclipse, le sentiment national breton renaît à la fin du XIXe siècle et rend la vie aux symboles nationaux, hermine, noir et blanc, croix noire. Mais les différentes tentatives pour en moderniser l'usage échouent jusqu'à l'initiative du jeune étudiant Morvan Marchal qui met au point un projet de drapeau national qui finit par s'imposer.


Les drapeaux des pays traditionnels de Bretagne.

Une fois assimilées les bases de la vexillologie bretonne, les auteurs nous invitent à musarder dans l'univers multiforme du drapeau breton sous toutes ses variantes et déclinaisons. Des provinces de Bretagne aux pays en passant par les communes, il n'est guère de coin de Bretagne qui n'ait son drapeau ou brille en bonne place l'hermine, symbole que tous comprennent du premier coup d'œil.

Toutefois, ce livre ne serait pas complet sans un inventaire, parfois surréaliste, des drapeaux des associations, des clubs sportifs ou des yacht clubs des armateurs.


Le procotocole n'est pas oublié.

Le livre se conclut avec une rapide présentation des drapeaux des nations celtiques (et non celtes comme l’écrivent à tort les auteurs) et des annexes très utiles sur le protocole (ou usage) des drapeaux et la fiche technique du Gwenn ha du qui permet de réaliser un drapeau breton correct chez soi.

Nous avons très souvent la dent dure dans cette chronique de livres et nous aimons bien souligner les insuffisances des éditeurs. Raison de plus pour tirer son chapeau plutôt deux fois qu’une aux éditions Yoran Embanner qui montrent avec ce livre qu’un petit éditeur régional peut jouer dans la cour des grands. Certes ce type d’ouvrage est assuré d’une vente minimale et les auteurs ont grandement contribué à sa réussite tant par leurs recherches que par leur talent artistique (ils ont livré clef en main la mise en page de l’ouvrage et ont assuré réalisation des 540 drapeaux qui s’y trouvent illustrés en couleurs). Il n’en demeure pas moins qu’il est encourageant qu’année après année, cet éditeur nous montre un réel progrès qualitatif dans ses productions. C’est un exemple à suivre. Encouragez-le en l’achetant pour vous ou pour l’offrir à un adolescent passionné par la Bretagne.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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