jeudi 6 mars 2008

Mémoire historique et boomerang

Les socialistes en général, et la sous-espèce espagnole en particulier, ne sont pas renommés pour leur intérêt pour l’histoire. Il est vrai que s’ils se risquent à cet exercice, de mauvaises surprises leur pendent au nez.

Le cas espagnol illustre bien ce qui se passe quand des socialistes se risquent, tel le chaperon rouge, sur le sentier sinueux de la mémoire histoire.

La génération de socialistes au pouvoir en Espagne sont trop jeunes, non seulement pour avoir connu les drames de la IIe République, mais aussi pour avoir souffert du régime franquiste. Sans compter ceux qui ont été nourris au le lait et au miel de la dictature, comme le très radical ministre de la Justice Mariano Fernández Bermejo, qui est le fils d’un hiérarque de la Falange, ou bien encore Pasqual Maragall, le très socialiste dirigeant catalan, qui fut envoyé à grands frais par le régime de Franco étudier aux Etats-Unis.


Pasqual Maragall, un protégé du franquisme.

C’est probablement une certaine naïveté et une bonne dose d’ignorance (par exemple le rôle déterminant du Parti socialiste [PSOE] dans les événements qui ont conduit à la Guerre civile) qui expliquent l’entêtement du gouvernement Zapatero à faire voter une « loi de la Mémoire historique » qui vise à réhabiliter les victimes du régime antérieur.

Les résultats de cette loi sont bien minces. Par exemple, il n’est plus question de rouvrir les procès faits aux républicains durant la guerre et durant les années 1940. Les socialistes ont été effarés de découvrir que la majorité des condamnés à mort du Front populaire s’étaient rendu coupables de crimes atroces et que les dossiers d’instruction des juges franquistes sont très solides, riches en preuves matérielles, en témoignages et en aveux.

Enfin, les socialistes avaient imaginé une procédure détaillée encadrant la découverte des fosses communes car dans la mythologie de la gauche espagnole, sous chaque pierre ibérique se cache une fosse abritant les victimes de la répression sauvage de la droite.

Les fosses communes, une obsession de la gauche espagnole.
Mais la réalité ne correspond pas au mythe.

Malheureusement pour la gauche, il semble que bon nombre de fosses communes soient le résultat de massacres commis par le Front populaire. Or, cette fameuse loi de mémoire historique s’impose à tous les morts, qu’ils soient de gauche ou de droite.

Alors, que faire ?

La solution la plus simple consiste pour le gouvernement socialiste à dissimuler les faits. Or, des fuites spontanées aboutissent souvent à des révélations dans la presse. Ainsi, le quotidien ABC de a révélé le 5 mars dernier qu’une fosse commune, datant probablement de la Guerre civile, a été découverte voici un mois sur le site de la caserne de la Brigade parachutiste sise à Alcala de Henares.

Dès que la nouvelle est parvenue au gouvernement, les stratèges très inventifs de la campagne électorale socialiste ont mis en scène une récupération de l’événement. Un conseiller imaginait même que le candidat Zapatero se déplace pour rendre hommage à ces morts de la barbarie franquiste dont les héritiers défendent les couleurs du Parti populaire aux élections.

Alcala de Henares, une place forte de l'armée du Front populaire.

Heureusement pour le PSOE, un militaire a rappelé à temps que la région est restée aux mains des républicains durant la Guerre civile et que les morts étaient probablement des ennemis de classe. Aussitôt, le ministère de la Défense a interdit toute diffusion de la nouvelle.

Toutefois, comme nous l’indiquions, une source anonyme a révélé toute l’affaire au quotidien ABC. On apprend ainsi qu’on a retrouvé dans la fosse les restes d’au moins neuf personnes inhumées en hâte. Plus gênant pour le PSOE, c’est dans cette région quAndreu Nin, responsable du POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista) avait été en juin 1937 kidnappé, torturé et finalement assassiné par le Parti communiste (avec la participation du Parti socialiste de Catalogne), sans que le gouvernement républicain bouge le plus petit doigt. On soupçonne que le chef révolutionnaire avait été emmené dans des locaux de la base aérienne Barberán y Collar situés près de l’emplacement de la fosse.

Andreu Nin, un chef communiste trop indépendant pour le Parti communiste.

À l’époque, pour cacher son forfait, le Parti communiste avait répandu la nouvelle que le chef du POUM avait été libéré par des agents allemands ! C’est un demi-siècle plus tard que des documents soviétiques ont confirmé le rôle du Kremlin et du Parti communiste dans l’enlèvement, la torture et la mort d’Andreu Nin.

Voilà, en ouvrant la boîte de Pandore de la mémoire histoire, les socialistes étaient loin de se douter que c'est le spectre d'Andreu Nin qui allait en sortir pour hanter la mauvaise conscience de la gauche espagnole.

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