samedi 23 février 2008

Un premier avis sur l'armistice

L'attaque de la flotte française au mouillage
de Mers El Kébir par la Royal Navy.

Nous avons eu l'occasion de publier une recension de l'ouvrage de Jacques Bourdu consacré à l'armistice : l’Armistice de 1940, Histoire d’une faute tragique. L'auteur a bien voulu répondre à nos questions.

Quelle était la situation de l'armée française le 11 juin 1940 ?

Avec la déclaration de guerre de l'Italie le 10 juin 1940, la France doit se battre sur deux fronts. Sur le front italien 6 divisions suffiront face aux 32 divisions italiennes.
Notre ligne de défense sur la Somme et sur l'Aisne à la date du 10 juin ne peut plus contenir la poussée allemande. Dans les conditions où la bataille a été engagée, il n'y a plus de possibilité de redressement militaire.
La date essentielle est le 17 juin. Après avoir été désigné président du Conseil, Pétain s'adresse aux Français et déclare : « Il faut cesser le combat ». Alors qu'aucun accord n'est intervenu sur l'Allemagne, une telle déclaration irresponsable a des conséquences dramatiques. A la retraite à peu près en ordre va se substituer la déroute et la débâcle.
On peut rappeler qu'au lendemain de Dunkerque, deux solutions étaient réalistes :
− soit conjointement avec l'Angleterre engager des pourparlers avec l'Allemagne pendant que nous avions encore une armée ;
− soit décider que coûte que coûte la guerre se poursuivrait et organiser une défense en profondeur.
Aucune de ces solutions n'a été retenue.

Le cuirassé Provence est en feu.


Qui, au gouvernement propose de demander l'armistice ?

Au gouvernement de Paul Reynaud, il y a ceux qui n'acceptent pas la défaite et veulent continuer la lutte, notamment Mandel, Dautry, de Gaulle ainsi que le président de la République. Cette solution conduirait pour l'armée de terre à une capitulation.
Pétain et Weygand s'y opposent. Ils exigent l'armistice, c'est-à-dire un engagement de la France.
Pétain et Weygand ont été nommés par Paul Reynaud aux postes essentiels qu'ils occupent. Donner des pouvoirs à ses adversaires pour contrer sa propre politique, c'est l'erreur fatale de Paul Reynaud.

La violation de l'accord du 28 mars 1940 avec l'Angleterre

Selon les termes de cet accord, la France et l'Angleterre s'interdisaient « de conclure un armistice ou un traité de paix durant la présente guerre, si ce n'est d'un commun accord ».
En demandant l'armistice, la France a renié sa signature. Le gouvernement Pétain l'a fait avec légèreté estimant qu'après la défaite de la France, l'Angleterre serait amenée rapidement à traiter avec l'Allemagne.
Weygand déclarait notamment « que dans trois semaines, l'Angleterre aura le cou tordu comme un poulet ».
L'Angleterre aurait accepté de délier la France de ses engagements à condition que la flotte française soit hors de portée de l'Allemagne et de l'Italie, ce qui ne sera pas le cas.

Les canons anglais battent la rade.


En quoi l'armistice diffère-t-il d'une capitulation ?

La capitulation, c'est un protocole militaire de reddition de l'armée. Elle n'est liée à aucun texte engageant l'avenir du pays. Ce sera le cas pour les Pays-Bas et la Belgique. Les gouvernements de ces deux pays poursuivront la guerre.
L'armistice est une décision à la fois militaire et politique engageant le pays et son gouvernement.
On peut noter que le gouvernement Pétain voulait discuter avec l'Allemagne des préliminaires de paix. L'Allemagne refuse. Les Allemands voulaient l'arrêt des hostilités, sans prendre d'engagements notamment sur les frontières futures. Selon Hitler, l'Allemagne devait récupérer « les territoires qui lui ont été volés depuis 400 ans ». Pour commencer l'Allemagne a violé l'armistice dès l'été 1940 en annexant l'Alsace-Lorraine.

Choisir l'armistice : est-ce une concession à l'armée au détriment du pays ?

L'armistice, c'est le choix de Weygand.
Paul Reynaud envisage une capitulation de la seule armée de terre demandée par le commandant en chef, le général Weygand. Celui-ci déclare : « Je refuserais d'obéir à un ordre de cette nature. Jamais on ne me contraindra à un acte que je réprouve ».
Normalement, Weygand aurait dû être relevé de son commandement. C'est le contraire qui se produira avec la démission de Paul Reynaud.


Une vue d'avion de la rade sous le feu.


Pouvait-on poursuivre la guerre en dehors de la France métropolitaine ?

La réponse est affirmative.
Le 18 juin, au moment où l'armistice est demandé, le général Noguès, commandant des troupes d'Afrique du Nord et résidant général au Maroc, engage le gouvernement à poursuivre la lutte en détaillant les moyens dont il dispose.
On peut rappeler l'importance de la flotte et le nombre d'avions ayant traversé la Méditerranée. Notre potentiel aurait été rapidement renforcé par les avions commandés aux Etats-Unis (engagement de 8 000 avions en un an).


Des navires tentent de forcer la passe.

Quelles ont été les conséquences de l'armistice de juin 1940 ?

La France libre suit la voie de l'honneur. Elle se renforcera peu à peu.
La France de Vichy s'engage sur la voie de la collaboration avec la déclaration de Pétain après Montoire. Les accords de Paris en 1941 négociés par Darlan ouvrent la voie à une collaboration militaire.
L'heure de vérité intervient en novembre 1942 avec le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord. Les Américains sont reçus à coup de canon obéissant aux ordres du Maréchal. En Tunisie, selon les mêmes ordres, l'amiral Esteva ne s'oppose pas à l'arrivée des Italiens et des Allemands.
Tout aurait pu être différent si Pétain, en accord avec l'ambassadeur des Etats-Unis à Vichy, avait préparé leur intervention et leur accueil en ami.
Il aurait fallu que le ministre de la guerre ne soit pas pro-allemand et que le commandant de la flotte, l'amiral de Laborde, ne soit pas viscéralement anti-anglais. La seule chose que la marine ait réussi dans une guerre où elle aurait pu jouer un très grand rôle : c'est son sabordage.

Hitler a-t-il commis une erreur en accordant l'armistice ?

Dès juin 1940, le regard d'Hitler se porte vers l'est. L'URSS vient d'annexer les pays baltes et la Bessarabie, ce qui constituait une menace pour les pétroles roumains.
Hitler souhaitait donc en terminer le plus rapidement possible à l'ouest avec l'armistice et ce qu'il espérait ensuite par une paix de compromis avec l'Angleterre.
L'armistice se plaçait donc dans la stratégie d'Hitler.

Une salve anglaise fait mouche.


Que se serait-il passé si la France n'avait pas demandé d'armistice ?

Sans Pétain et Weygand, il n'y aurait pas eu d'armistice. Le gouvernement aurait gagné l'Afrique du Nord.
Beaucoup ont pensé que sans l'armistice les Allemands auraient envahi l'Afrique du Nord.
Cette hypothèse était peu probable :
− Hitler regardait vers l'est. Il ne voulait pas s'immiscer dans le théâtre méditerranéen réservé à son allié Mussolini.
− - L'accord de l'Espagne n'était pas évident pour permettre la traversée de on territoire par les troupes allemandes. En octobre, Franco refusera lorsqu'il s'agira d'attaquer Gibraltar.
− - Les flottes anglaise et française avaient la maîtrise de la Méditerranée.
Par ailleurs, les moyens de défense de l'Afrique du Nord auraient été rapidement renforcés par l'aide américaine.
La France aurait été intégralement occupée, ce qui sera d'ailleurs le cas en novembre 1942.
La France aurait poursuivi la guerre avec des moyens encore importants, se renforçant au fil des mois. Son poids dans les décision internationales aurait pesé. La guerre aurait probablement duré moins longtemps.
Il n'y aurait pas eu cette guerre franco-française entre la France libre d'un côté et Vichy de l'autre.

Impuissants, les marins de cette batterie antiaérienne observent le carnage.


Depuis 60 ans, l'analyse de la situation créée par l'armistice a-t-elle évolué ?

Un point est fondamental. Avec le temps, on est passé de la politique à l'histoire.

Le président Chirac a-t-il eu raison de qualifier l'armistice de « funeste » ?

C'est aussi notre avis. Notre ouvrage s'intitule d'ailleurs « Histoire d'une faute tragique ».

5 commentaires:

Anonyme a dit…

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Rectification, ou correction, le cuirassé qui est en feu n'est pas "La Provence" mais bel et bien "La Bretagne"
à bientôt
Nicolas

Podeur j. a dit…

oui je confirme le bateau en feu est le cuirassé BRETAGNE . Mon père a hélas été porté disparu avec 900 marins de son bateau.lors de ce massacre perpétré par la Marine anglaise.

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Avec la déclaration de guerre de l'Italie le 10 juin 1940, la France doit se battre sur deux fronts. Sur le front italien 6 divisions suffiront face aux 32 divisions italiennes.
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