mardi 12 février 2008

Le livre qui dérange l’Université

Olivier Pichon, directeur du magazine Monde & Vie.

Révolution française La vérité dont ils ne voulaient pas

Au moment où paraît le Livre noir de la Révolution française (Cerf, 882 pages, 44 €), les députés Hervé de Charette et Lionnel Luca cosignent une proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794. Extraits de l’exposé des motifs :
« Les exemples montrant la volonté incontestable de la Convention d’anéantir une population sont nombreux et variés ; ce qu’explique en 1794 Gracchus Babeuf dans un pamphlet, Du système de dépopulation ou La Vie et les crimes de Carrier, dans lesquels il dénonce les exactions commises par J-B Carrier lors de sa mission à Nantes qu’il nomme populicide. » (disponible intégralement sur le site de l’Assemblée nationale).

Pour la sortie de ce livre, Olivier Pichon, directeur du magazine Monde & Vie a posé quelques questions à l’historien Reynald Secher qui a participé à sa rédaction au titre de ses travaux sur le génocide vendéen*.

M&V : Vous avez participé à la rédaction du Livre noir, mais ce livre ne vient-il pas tardivement ?

Reynald Secher : Oui et non. Oui, parce que le bicentenaire de la Révolution française était l’occasion de dire enfin la vérité sur cette révolution et sa vraie nature. Il n’en était pas question à l’époque pour deux raisons :
1. Nous étions en pleine ère mitterrandienne et le chef de l’État, au nom de l’intérêt supérieur de la nation voulait une commémoration monolithique qui ne soit entachée d’aucune critique historique. L’université, lieu naturel de la liberté de recherche mais inféodée au pouvoir s’est soumise à ce désir politique et idéologique. Il faut se souvenir qu’à l’époque, les cérémonies n’ont été consacrées qu’à la glorification de la Révolution, toute contestation refoulée et les contestataires réprimés.
2. Il faut se souvenir qu’à l’époque l’URSS était toujours présente, les blocs s’affrontaient encore et que les intellectuels français penchaient du côté du socialisme soviétique qui se voulait héritier de la Grande Révolution française et réciproquement. Souvenons-nous d’ailleurs du sort réservé aux intellectuels de haut niveau comme François Furet, dénoncé à l’époque comme un parjure. D’ailleurs, dans ce livre, Stéphane Courtois souligne cette filiation. D’où le fait que cette commémoration fut concentrée sur une seule année avec le fiasco que l’on sait.
Au niveau international il faut se rappeler qu’un certain nombre de chefs d’États avaient dénoncé cette commémoration par exemple Margareth Thatcher et Ronald Reagan en parlant de détournement de vérité historique.
Non, parce qu’il n’est jamais trop tard pour qu’éclate la vérité, d’autant que le contexte médiatique est bouleversé et que si les médias et les universités s’interdisent de parler de l’ouvrage, Internet fera le travail. Le directeur de la collection, Renaud Escande, a été d’ailleurs surpris de la passion manifestée depuis quelques mois à l’annonce de cette publication et notamment des lettres d’insultes et de menaces qu’il a reçues. Qui plus est, au niveau national avec l’effondrement du marxisme et du Parti communiste, les enjeux sont différents et le corps enseignant est devenu plus critique par rapport à ce qu’on lui demande de transmettre et la presse plus sceptique. Au niveau international, la chute de l’URSS a bouleversé la donne et, maintenant, la vérité éclate sur ce qu’a été le communisme en URSS et à travers le monde. Avec la publication du Livre noir du communisme par Stéphane Courtois, on a compris la nature véritable de la Révolution et, par ricochet “à travers la fille on juge la mère”. À titre d’exemple, grande a été ma surprise lorsque la première chaîne de télévision russe, en découvrant que Lenine avait exterminé Tambov au nom de la Vendée, est venue me voir pour comprendre ce qu’était la Vendée et a réalisé un film diffusé le 1er novembre 2007 en prime time. Le succès a été tel qu’ils en sont à la troisième rediffusion! Avec le recul, le bicentenaire a été le chant du signe de l’historiographie révolutionnaire dominée par le robespierisme et la fin d’une vision manichéenne de l’histoire régionale, nationale et internationale. Pour notre époque, comprendre le génocide vendéen c’est comprendre le génocide arménien et juif. Le recul de l’histoire permet de mieux comprendre la manipulation de l’histoire et le révisionnisme déjà dénoncé par Taine en 1884 et, bien entendu, le négationnisme car la Vendée est un prototype.

M&V : Il semble que tout le monde n’entende pas ce discours, je trouve dans les documents officiels diffusés par le Centre de documentation pédagogique (CNDP, Chouans et Vendéens, n° 469) sous la direction de l’historien robespierriste Jean-Clément Martin des thèses résolument négationnistes sur la Vendée.

R.S. : On ne peut qu’être stupéfait par les contenus de cette revue destinée aux enseignants. À titre d’exemple : « Certains parlent improprement de génocide, en fait il n’y eut pas de plan de destruction, mais un délire politique pendant quelques mois de 1793 à 1794 autorisant des mesures menées de façon incohérente… parler de génocide c’est ne pas voir que près de la moitié de la France a été rangée dans la contre-révolution militante et punie » [sic]. En clair, il nie l’existence de la loi d’anéantissement votée le 1er août 1793, de la loi d’extermination du 1er octobre 1793, du plan Turreau dont nous avons l’original au fort de Vincennes. Très explicite puisque Turreau général en chef de l’armée de l’Ouest écrit lui-même à la Convention : « J’ai commencé l’exécution du plan que j’avais conçu de traverser la Vendée sur 12 colonnes… enfin si mes intentions sont bien secondées il n’existera plus, dans la Vendée, sous 15 jours ni maisons ni subsistances ni armes ni habitants que ceux qui, cachés dans le fond des forêts, auront échappé aux plus scrupuleuses perquisitions. »

Propos recueillis par Olivier Pichon

*) Le génocide franco-français, la Vendée vengée, Reynald Secher, éd. Perrin

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai commencé à lire ce livre et l'impression qui s'en dégage est excellente (j'ai, entre autres, apprécié celui sur la mort du roi, celui sur l'iconographie contre-révolutionnaire et la partie "génie").
Pour un lecteur non averti, j'entends non spécialisé en histoire, la plupart des articles sont lisibles voire très bien écrits. N'est-ce pas la recette d'un bon succès de librairie? Mais il y a obstacle au succès de librairie: pour ma part, résidant dans une grande ville, je n'ai trouvé ce livre dans aucune librairie, j'ai dû le commander sur internet.

En ce qui concerne l'université et cette "vérité dont ils ne voulaient pas", il y a fort à parier que ce livre devra s'attendre au même sort que celui de Xavier Martin sur Voltaire "sans fard", celui J.de Viguerie sur les "filles des Lumières" ou encore celui de R. Sécher sur la Vendée: très peu d'audience, sinon des compte-rendus expéditifs comme celui d'un J-C. Martin sur vendée-vengé, qui va jusqu'à reprocher à son auteur d'avoir négligé les "historiens récents" (sous-entendu ceux de son bord) au profit de sources des archives qui ont au moins le mérite, elle d'êtres impartiales! N'est-ce pas le comble après tout, pour un historien, d'avoir à "afficher ses couleurs", comme on dit?

Mais paradoxalement l'avantage de ce livre, c'est de revendiquer un côté réactionnaire, contrairement à tous ces historiens qui anonnent la litanie de rigueur scientifique pour masquer leur idéologie... Car ce livre donc a non seulement le courage de se situer à "droite" mais ne pèche pas par manque de sources: les faits sont accablants, il suffit de les renflouer.

Je découvre votre blog, il est très intéressant!