mercredi 26 septembre 2007

Une vérité sur la guerre d’Espagne

L'historien Pio Moa


À la suite de l’adoption par le Conseil de l’Europe au début de 2007 d’une recommandation aux Etats pour l’institution d’une journée internationale de condamnation du franquisme, l’historien espagnol Pio Moa a tenu à remettre les choses au point.

Le Conseil de l’Europe a proposé de faire du 18 juillet 2006 la journée internationale de refus du franquisme, en souhaitant accompagner cette célébration par l’édification de monuments à la mémoire de ses victimes et par le rappel que la nécropole du Valle de los Caidos aurait été bâtie par des prisonniers républicains.
Quand j’ai entendu à la radio cette information venue de Strasbourg, il m’est venu à l’esprit la réponse que le grand philosophe espagnol Ortega y Gasset fit à Albert Einstein, lequel vantait aux Etats-Unis les mérites des républicains : « Albert Einstein s’arroge le droit de donner son avis sur la guerre civile espagnole et de s’engager en faveur d’une des parties en cause. Einstein démontre ainsi qu’il n’a aucune idée de ce qui se passe aujourd’hui en Espagne et qu’il ignore tout de l’histoire de notre pays. »
Le dossier que vous avez reçu à l’appui de cette proposition est une resucée de la propagande du Komintern, mise au goût du jour dans les années 1960 par des historiens marxistes comme Tuñon de Lara ou Gabriel Jackson puis sortie du placard de l’historiographie communiste par un gouvernement aux abois.
Cette vision partisane de la guerre civile enchante le chef du gouvernement espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero, un homme qui proclame sans ambages dans la presse qu’il est un « rouge ». Elle suscitait pourtant déjà l’indignation de Gregorio Marañon, un des meilleurs intellectuels libéraux espagnols du xxe siècle : « cette propension au mensonge permanent est ce qu’il y a de plus irritant chez les communistes ».
Pour mémoire, je vous rappelle que Paul Johnson, l’historien britannique bien connu, a déclaré que la guerre civile espagnole est un des épisodes de l’histoire du xxe siècle sur lequel on a le plus menti. C’est sans doute pour cela qu’il n’a pas été sollicité pour faire partie de votre collège d’experts, des historiens si compétents et si objectifs qu’ils oublient de mentionner l’aide soviétique à l’Espagne républicaine pour ne citer que celle apportée par l’Allemagne et l’Italie aux nationalistes.
Selon la propagande à la mode, la guerre d’Espagne a vu l’affrontement de la démocratie contre le fascisme. Mais si vous analysez les différentes composantes du Front populaire au pouvoir à Madrid, vous comprendrez bien vite que cette identification des républicains avec la démocratie est impossible. Les anarchistes, les communistes, les socialistes d’alors (sur bien des points plus radicaux que les communistes) n’étaient en rien des démocrates. Ne l’étaient pas davantage le très raciste Parti nationaliste basque, les républicains de gauche et les nationalistes catalans (lesquels avaient tenté un coup d’Etat quand ils avaient perdu les élections démocratiques de 1933).



Mitrailleuse républicaine sur le front d'Aragon.


La gauche contre la démocratie

En réalité, contrairement à ce qu’affirme la propagande marxiste new look dont vous êtes abreuvés la guerre d’Espagne est le résultat de deux coups d’Etat successifs.
Le premier est déclenché en octobre 1934 contre un gouvernement de droite absolument légitime et respectueux des institutions. Cette révolte armée est planifiée dès le départ comme une guerre civile par le Parti socialiste ouvrier espagnol (l’ancêtre direct de celui qui est aujourd’hui au pouvoir en Espagne) pour imposer par la terreur un régime de type soviétique et par les nationalistes pour obtenir l’indépendance de la Catalogne. Ce coup d’Etat reçoit l’appui des communistes, d’une partie des anarchistes et des républicains de gauche mais échoue au bout de deux semaines en laissant sur le carreau 1 400 victimes et de très nombreux dégâts matériels.
Ayant assimilé les leçons de l’échec de 1934, le second coup d’Etat contre la démocratie est déclenché après les élections de février 1936 que le front populaire remporte en nombre de sièges mais fait match nul en nombre de voix. De l’aveu même de Manuel Azaña, le dirigeant de gauche qui prend alors le pouvoir, ces élections avaient été entachées par de nombreuses violences et par de graves irrégularités.
Les partis de gauche, après la proclamation des résultats, cherche à gagner par l’émeute les élections qu’ils n’avaient pas été en mesure de remporter nettement dans les urnes. Pendant ce temps, le nouveau gouvernement destitue le président de la république Alcala-Zamora, prive de leur mandat des députés de droite, épure la haute fonction publique, supprime l’indépendance de la justice et laisse faire les émeutiers lesquels en trois mois ont causé de plus de 300 morts, brûlé des centaines d’églises, mis à sac des journaux, des centres culturels et politiques, etc. Quand les hommes politiques conservateurs, modérés comme Gil-Robles ou plus musclés comme Calvo Sotelo, mettent en demeure le gouvernement de faire respecter la légalité républicaine, les élus de gauche comme la sinistre Pasionaria les menacent de mort depuis les bancs même du parlement.
La destruction programmée de la légalité républicaine par les partis de gauche et la décomposition totale de l’Etat sont apparue saux yeux de tous quand un détachement mixte de policiers en uniforme et de miliciens socialistes enlève à son domicile puis assassine le député Calvo Sotelo après avoir échoué dans une tentative similaire à l’encontre de Gil-Robles. Ce crime est la goutte d’eau qui fait déborder le vase et qui pousse à la rébellion une partie de l’armée. Au cours des semaines précédentes, la tournure prise par les événements avait encouragé certains militaires à préparer une riposte à la violence des partis de gauche, mais ils étaient très réticents à se lancer à l’aventure notamment en raison de la très grande probabilité d’échec (qui fut à deux doigts de se produire).
Dans tous les pays, quand la loi n’existe plus, l’homme donne libre cours à ses pires instincts. Dans les semaines qui suivent les élections de février 1936, extrémistes de chaque bord ont multiplié les crimes et les représailles. Mais le grand responsable du déclenchement de ce cycle de violences est le Front populaire qu’une propagande grotesque tente de réhabiliter.
Contrairement à ce que répète inlassablement « l’irritant mensonge communiste », ce ne sont pas le soulèvement de juillet 1936 et la guerre qui ont détruit la démocratie en Espagne. Bien au contraire, c’est la destruction organisée de la démocratie par les partis de gauche radicalisés qui a déclenché la guerre. Ce conflit qui a déchiré l’Espagne n’a pas vu l’affrontement de démocrates contre des fascistes, mais a mis en scène la lutte à mort entre des totalitaires de gauche et des autoritaires de droite. Rappelons que la dictature de Franco n’a égalé en rien l’absolutisme que les communistes ont voulu instaurer en Espagne sans succès et qu’ils ont imposé à la moitié de l’Europe après 1945.
La répression franquiste ne doit pas faire oublier que les chefs du Front populaire se sont enfuis du pays, sans se soucier le moins du monde du sort des milliers de leurs militants, acteurs volontaires de la vague de violence ayant terrorisé les Espagnols.
Après la guerre, ces agents staliniens ont été identifiés et traînés devant des tribunaux qui ont jugé implacablement les crimes odieux qu’ils avaient commis. Pour la plupart, ces nervis moscoutaires ont été condamnés à mort et fusillés aux côtés de personnes qui n’avaient rien fait d’autre que prendre fait et cause pour la République.
Il est insultant pour la mémoire de ces innocents que de les confondre avec ces crapules communistes en regroupant tous les morts sous le terme générique de « victimes du franquisme ».
En ce qui concerne le Valle de los caidos, vos excellences du Conseil de l’Europe devraient savoir que seuls dix pour cent des ouvriers employés à sa construction étaient des prisonniers, lesquels bénéficiaient d’un régime préférentiel de réinsertion à raison de cinq jours de remise de peine pour une journée de travail. Les déportés dans les camps nazis ou au goulag auraient été heureux d’en bénéficier.

Une vision franquiste ?


Le gouvernement du « rouge » Zapatero voudrait vous faire croire que je viens de vous présenter la vision franquiste de l’histoire. Or, savez-vous que les trois intellectuels que j’ai cités, Ortega, Marañon et Pérez de Ayala, ont été nommés les « pères spirituels de la République » en raison de leurs efforts pour faire de l’Espagne une démocratie libérale ? Cette même démocratie qui sera réduite à néant en 1936 par les révolutionnaires marxistes.
Marañon a eu ce commentaire lucide et non dénué d’amertume : « Mon amour et mon respect de la vérité m’obligent à reconnaître que la République espagnole fut un échec tragique ».
Un des meilleurs romanciers espagnols de cette époque, le très libéral Pérez de Ayala a écrit : « Tout ce qu’on dira de ces abrutis sanguinaires qui ont engendré puis nourri au sein notre tragédie me paraîtra peu. Je n’ai jamais pu imaginer qu’ils aient été capables de tant de crime, de lâcheté et de bassesse ». Marañon conclut : « En eux tout est vol, folie et stupidité ». Je pourrais sans peine multiplier les citations.
Je termine en rappelant les propos d’Azaña, le dernier président de la république, sur la qualité humaine de ces amis politiques : « des incompétents, des hommes sans idéal, n’ayant en commun que l’appât du gain. »
Comme vous pouvez le lire, il ne s’agit en rien d’une version franquiste de l’histoire. Vous avez été les victimes de « l’irritant mensonge communiste », diffusé massivement par l’actuel gouvernement espagnol, lequel vous a manipulés pour vous transformer en simples répétiteurs de ce pieux mensonge stalinien, discréditant par la même occasion une institution consacrée à la défense de la démocratie et des droits de l’Homme.
Ce gouvernement qui vous intoxique avec une histoire Espagne à la sauce Kominterm est en ce moment même occupé à couler la constitution espagnole par une politique en pleine connivence avec les terroristes basques de l’ETA. Je ne sais pas ce qu’en diraient les « pères spirituels de la République », mais je n’ai pas grand mal à l’imaginer.

Pio Moa




Une image idéalisée de milicienne du Front populaire. Les journalistes étrangers ont beaucoup photographié les femmes en armes des mouvements marxistes alors qu’elles ont été très rares à se battre en première ligne.

Une loi sectaire en panne

Le gouvernement socialiste espagnol est bien embarrassé.Pour complaire à ses associés les plus radicaux, il a déposé devant le parlement une loi dite de « la Mémoire historique » destinée, en théorie, à réhabiliter les personnes injustement condamnées par le franquisme ou victimes des persécutions politiques durant la guerre civile et non reconnues à ce jour.

Toutefois, ce projet n’a eu pour résultat que de diviser profondément la société espagnole en rouvrant des plaies refermées depuis la transition politique (voir article précédent) dont un des points clefs avait été l’oubli réciproque des crimes commis. Ainsi, le chef communiste Santiago Carrillo a pu rentrer en Espagne en dépit d’être un des responsables d’une des plus horribles tueries de ce siècle : Paracuellos de Jarama.

Aujourd’hui, ce projet de loi est bloqué devant le parlement car il ne dispose pas de la majorité nécessaire pour le faire adopter. En effet, les communistes insistent pour que soient annulés tous les procès du franquisme et les nationalismes catalans exigent que soit condamnée la persécution des catholiques par le régime du Front populaire.

Or ces exigences sont contradictoires. Si le gouvernement donne satisfaction aux communistes, il doit refuser de condamner la persécution des catholiques. S’il satisfait les Catalans, il ne peut annuler les jugements du franquisme dont une partie notable concerne des condamnations d’individus coupables de crimes parfaitement documentés contre des hommes et des femmes dont le seul délit était la pratique religieuse.

Lire l'article complet que lui consacre El Manifiesto.

Lire aussi :



Matanzas. En el Madrid Republicano Félix Schlayer
Altera
, 254 p., 19,50 e, ISBN 978-84-89779-85-3.




El terror rojo en España
José Javier Esparza
Altera, 375 p., 25 e, ISBN 978-84-96840-04-1.

mardi 25 septembre 2007

Katyn en images


Au printemps 1940, les Soviétiques ont pratiqué une sorte de nettoyage ethnique de la population polonaise en la privant d'une partie de son élite sociale, jugée rétive au socialisme. Sur le seul site de Katyn, près de 4500 officiers polonais ont été assassinés, l'un après l'autre, par la police communiste.

Après un demi-siècle de silence honteux, le cinéaste polonais vient de réaliser le premier film de fiction consacré à ce drame.


Visiter le site du film


Légende du cinéma mondial, le Polonais Andrzej Wajda a présenté mercredi à Varsovie son nouveau film, dans lequel il raconte l'histoire tragique de son père, l'un des 22.500 officiers polonais massacrés par les Soviétiques en 1940 à Katyn et d'autres camps.

Le cinéaste, âgé de 81 ans, a choisi de placer au début du film, sous le titre de "Katyn", une dédicace: "A mes parents".

Son père, Jakub Wajda, était capitaine d'un régiment d'infanterie de l'armée polonaise. Il a été exécuté d'une balle dans la nuque par le NKVD, la police secrète de Staline.

Et comme des centaines d'autres femmes, sa mère a longtemps refusé d'accepter sa mort. "Ma mère s'est nourrie d'illusions jusqu'à la fin de sa vie, car le nom de mon père figurait avec un autre prénom sur la liste des officiers massacrés", a-t-il raconté à l'issue de la première projection du film pour la presse.

Symboliquement, la première du film aura lieu le 17 septembre, le jour même où en 1939, l'Armée rouge envahit l'Est de la Pologne pour se partager le pays à l'amiable avec l'Allemagne nazie qui avait commencé son invasion le 1er septembre.

Le film commence ce jour-là sur un pont où deux foules se pressent en sens inverse: l'une pour fuir l'Armée rouge, l'autre la Wehrmacht. Il se termine sur les images insoutenables des exécutions perpétrées une à une dans la forêt de Katyn.

Le massacre fut révélé pour la première fois par les nazis qui mirent au jour les charniers après la rupture du pacte germano-soviétique et leur invasion de l'URSS en juin 1941.

L'URSS rejeta immédiatement la responsabilité du massacre sur les nazis. L'Occident resta muet pour ne pas envenimer ses relations avec Moscou, devenu un allié indispensable dans la guerre contre Adolf Hitler.

Le film est une fiction, mais, a insisté Andrzej Wajda, il est basé sur des histoires et des épisodes authentiques. Une bonne partie du film se déroule à Cracovie et raconte l'attente des femmes entre 1939 et 1950. Le cinéaste a également utilisé des images d'archives tournées par les Allemands lors de l'exhumation des corps en 1941, puis celles tournées par la propagande soviétique.

"Ce film n'aurait pas pu voir le jour avant, ni dans la Pologne communiste, ni en exil, en dehors de la Pologne, où il n'y avait pas d'intérêt pour le sujet", a déclaré le cinéaste.

"Aucun cinéaste sain d'esprit n'aurait pu le tourner à l'époque communiste, sinon, il aurait dû présenter la version officielle", a-t-il dit. Car le film montre aussi le mensonge entretenu par le régime communiste polonais qui a persisté à attribuer le massacre aux Allemands.

Ce n'est qu'en avril 1990 que le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a fini par reconnaître la responsabilité de l'URSS. En Pologne, pratiquement jusqu'à la chute du communisme, il était interdit de parler de Katyn, dont la forêt est devenu le symbole du massacre des élites polonaises, même s'il s'est déroulé dans plusieurs lieux, à Kharkiv (Ukraine) et à Miednoïe (Russie).

"J'espère qu'il y aura d'autres films sur le même sujet. Mon, film n'est qu'un premier film", a déclaré le cinéaste, qui a reçu en 2000 un Oscar pour l'ensemble de sa carrière de plus de cinquante ans.

"Enfin il y a ce film", a déclaré l'acteur Andrzej Seweryn, présent lors de l'avant-première. "Toute la Pologne l'attendait. Wajda n'a pas pu échapper à ce film, il s'est longtemps préparé à le faire, il appréhendait le sujet, cherchait le bon scénario", a-t-il ajouté, "c'était pour lui tellement important".

Pour assurer la réussite du film, Wajda a confié les images à Pawel Edelman, chef-opérateur pour le Pianiste de Roman Polanski et la musique au compositeur polonais Krzysztof Penderecki.



Monument aux victimes de Katyn.


Pour en savoir plus sur le massacre, nous conseillons




Staline assassine la pologne 1939-47
Alexandra Viatteau
Seuil, 340 p., ISBN 2-020-23171-9.

A près le pacte germano-soviétique d'août 1939, Staline décide l'élimination systématique des élites polonaises. Crimes contre la paix, crimes de guerre, crimes contre l'humanité : telle fut pendant près de deux ans la pratique quotidienne des communistes soviétiques. Le méfait le plus connu fut l'assassinat de sang-froid de plus de 15000 officiers polonais dont les corps ont été trouvés dans le bois de Katyn et dans les charniers de Miednoyé et Dergatché. Parallèlement, Staline et sa police politique déportèrent au goulag, en Sibérie et au Kazakhstan, près de 1 800 000 Polonais, dont plus d'un million ne revinrent jamais; ils assassinèrent sans conteste plus de 25000 prisonniers de guerre et environ
124 000 autres disparurent, probablement également assassinés. La seconde occupation de la Pologne par l'Armée rouge, à partir de l'été 1943, vit se reproduire les mêmes tueries, les mêmes déportations de masse. Ce livre traite de cette immense tragédie, qui relève du génocide, et que l'Occident, pour des raisons diplomatiques, a voulu ignorer pendant un demi-siècle. L'effondrement du régime de Moscou et l'ouverture des archives soviétiques et communistes de Pologne permettent enfin d'établir l'histoire de cette persécution et ainsi d'honorer la mémoire des victimes innocentes.
On ne peut rester insensible à l’immense tragédie du peuple polonais entre les mains de deux bourreaux. C’est le mérite du livre d’Alexandra Viatteau que de nous rappeler les pages volontairement oubliées de ce drame sanglant.

Extraits

Voici le témoignage de Klimov Piotr Fiodorovitch : « J'ai travaillé au NKVD-GPU de Smolensk depuis 1933… Je lavais le sang des fusillés sur ordre de Grigoriev, chef du garage. Je lavais les voitures, un minibus et un camion trois tonnes. C'est comme ça qu'ils transportaient les cadavres en les chargeant à l'aide d'un transporteur pour ne pas utiliser les civières, comme avant qu'Alkhimovitch ne bricole le transporteur à moteur. Les caves où ils fusillaient se trouvent sous le bâtiment de l'actuel bureau des Affaires intérieures russes de Smolensk, rue Dzierzynski... « Ceux qui tiraient (ceux dont je me souviens), c'étaient: Gribov, Stelmakh et Gvozdovsky, Remson Karol, j'ai oublié les autres... Parmi ceux qui transportaient les cadavres, il y avait Levtchenko, mais il a été tué par un prisonnier, un Polonais à ce qu'il me semble. Celui-là avait réussi à rester en vie par hasard et il s'est frayé le chemin vers l'armurerie, puis il a ouvert le feu et il a blessé encore quelqu'un, je ne sais plus qui. Pendant trois jours, ils n'arrivaient pas à tuer ce prisonnier, qu'ils arrosaient avec des lances à eau de pompiers avant de l'asphyxier au gaz… Ils ont fusillé les militaires polonais à Kozie Gory en 1940. C'est la compagnie de Stelmakh Ivan Ivanovitch qui l'a fait, il était le commandant du NKVD de Smolensk. Je suis allé par hasard à Kozie Gory et j'ai vu une fosse: elle était immense et allait jusqu'au marais, avec des Polonais dedans en plusieurs couches recouvertes de terre. On les abattait directement au bord des fosses. Pour ça, je le sais, car j'ai vu les cadavres des Polonais et Oustinov m'a raconté comment ça se passait: il était chauffeur et amenait les Polonais et il a tout vu. On les sortait des camions au bord des fosses et on leur tirait une balle, les achevant parfois à coups de baïonnette… Il y avait beaucoup de Polonais dans cette fosse que j'ai vue, d'environ cent mètres de longueur et de deux à trois mètres de profondeur. Quand je les ai vus, on m'a ordonné de partir et de ne plus m'approcher. En ce temps-là, puis après la guerre, Stelmakh, Reinson, Gvozdovsky et Gribov m'ont prévenu plusieurs fois de me taire. Oustinov m'a dit que ce sont eux qui tuaient personnellement les Polonais. Ce sont eux qui commandaient toute l'opération, je ne me souviens pas des autres. Les Polonais étaient amenés en wagons sur une voie secondaire de la station de Gniezdovo. L'endroit de l'exécution était gardé par le NKVD. »


Alexandra Viatteau a également écrit : Katyn, l'armée polonaise assassinée (1989) et « Comment a été traitée la question de Katyn à Nuremberg », dans Annette Wieviorka, les Procès de Nuremberg et de Tokyo, Editions Complexe (1996).

Scandale en Espagne


LOS QUE LE LLAMÁBAMOS ADOLFO
Luis Herrero

La Esfera de los Libros, 368 p., 22,00 € ISBN 9788497346641 Avenida de Alfonso XIII 1, bajos. 28002 Madrid Tél. : 912 960 200. Fax : 912 960 206. Courriel: laesfera@esferalibros.com.

Aujourd’hui, un homme fête son soixante-quinzième anniversaire. C’est un date importante car nombreux sont ceux qui payent leur tribut à la Grande Faucheuse avant de parvenir à cet âge avancé. Malheureusement, notre protagoniste il n’en saura rien. Détruit par la maladie d’Alzheimer, son esprit est mort.

Adolfo Suárez González, ancien président du gouvernement espagnol, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est pourtant à nouveau à la une des journaux. La presse ibérique ne tient pas tant à rendre hommage à son rôle passé qu’à se faire l’écho de la sortie d’une biographie qui suscite scandale et émoi.


La personne du roi a été protégée par un large consensus politique et médiatique. Ses frasques sentimentales et son affairisme effréné sont restés occultés du grand public durant très longtemps. mais cette période d'impunité est terminée.

Largement oublié aujourd’hui, Adolfo Suárez a été un homme clef de l’histoire récente de l’Espagne. A la tête du gouvernement espagnol en avril 1976, peu de temps après la mort du général Franco, il assurera la transition du pays vers un régime démocratique.
Vainqueur des premières élections libres depuis 1934, faisant preuve d’une vraie force de conviction et de beaucoup d’entregent, Suarez sera capable de bâtir un consensus entre les différentes forces politiques en Espagne pour remplacer en douceur le régime franquiste par une forme nouvelle d’organisation étatique mise en musique par la constitution approuvée par référendum le 6 décembre 1978.



Adolfo Suarez va connaître la solitude la plus totale au cours de ses derniers mois à la tête du gouvernement.


Le 3 mars 1979, Suarez remporte une seconde fois les élections. Mais affaibli par des relations tendues avec le roi Juan Carlos, attaqué sans relâche par le Parti socialiste, il démissionne le 29 janvier 1981 et abandonne définitivement la vie politique dix ans plus tard. Fait duc en 1981 et chevalier de la Toison d’or en 2007, il souffre depuis 2003 de la maladie d’ d’Alzheimer.

Une biographie qui appelle les choses par leur nom

Le journaliste Luis Herrero, ami d’enfance d’Adolfo Suarez, vient de publier Los que le llamábamos Adolfo, une biographie qui non seulement cherche à raconter l’homme, depuis ses origines jusqu’à sa chute, mais aussi à révéler les raisons qui ont conduit à sa démission, une pratique déloyale de la politique par les socialistes et l’opposition tenace du roi Juan Carlos.


Luis Herrero un homme politique de droite qui met à mal le consensus mou autour de la personne du roi.


C’est ce dernier point qui soulève des passions en Espagne. A titre d’exemple, les personnalités proches de Suarez qui devaient assister à la conférence de présentation du livre hier soir à Madrid ont renoncé à le faire à la uite de pressions de la Maison du roi.

Il faut dire que Luis Herrero n’y va pas de main morte. Il évoque les scandales financiers dans lesquels serait mêlé le souverain et qui auraient conduit Adoilfo Suarez à exiger du monarque son abdication.

Par exemple, il cite la lettre de 1977 du roi au Shah de Perse dans laquelle il lui demande des subsides faramineux pour lutter contre la prise du pouvoir imminente par le Parti socialisme (alors toujours marxiste).

Il va sans dire que ces fonds auraient enrichi le bas de laine d’une branche des Bourbons peu gratifiés par la fortune et n’auraient pas fait grand mal au Parti socialiste.

Malheureusement, il est fort probable que ce livre ne soit jamais publié en France. Il nous aurait pourtant aidé à mieux comprendre ce qui passe aujourd’hui chez nos voisins.


Le quotidien El Mundo publie un diaporama sur Adolfo Suarez.

lundi 24 septembre 2007

Une nostalgie bien British

Le cardinal-duc de York


Qui se souvient du cardinal duc de York, le petit fils du roi d'Angleterre Jacques II et frère du malheureux "Bonnie Prince Charlie" dont l'aventure s'acheva dans la défaite de Culloden qui a marqué la fin des espoirs de la maison des Stuart de remonter sur le trône ?

La défaite qui marque la fin d'un monde

Dans une lande écossaise, le 16 avril 1746, l'élan des guerriers des clans des Hautes Terres sera brisé par la discipline des armées conventionnelles, un scénario comparable à celui de la fin des samouraï sous le feu de l'infanterie impériale formée à l'européenne.

Un Ecossais participant à la reconstitution de la bataille
sur le site même de Culloden.



Le cardinal-duc d’York, deuxième fils de Jacques François Stuart et de Clémentine Sobieska, petite-fille du roi de Pologne Jean III Sobieski, Henri Benoît Stuart, est né en exil le 11 mars 1725 à Rome. Il fut le prétendant jacobite aux trônes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande à partir de 1788 « Henri IX, roi d'Angleterre, d'Écosse, de France et d'Irlande » jusqu'à sa mort en 1807.

Une cérémonie hors du temps

A l'occasion du bicentenaire de sa disparition, la Royal Stuart Society a fait dire une messe de requiem par Mgr Bernard Longley. Cette messe a permis d'honorer la mémoire d'une des personnalités les plus attachantes et les plus méconnues du catholicisme anglais. La cérémonie s'est déroulée dans la splendide chapelle concédée pour l'occasion par le chapitre anglais de l'ordre de Malte.


Faire-part publié par la Royal Stuart Society.


La décoration des lieux, la qualité du rite traditionnel (célébré dans le cadre du récent du Motu Proprio de Benoît XVI) et le splendide panégyrique prononcé par le chapelain de la Royal Stuart Society, le père Fr Nicholas Schofield (né en 1975 et ordonné prêtre le 24 May 2003, il est vicaire de la paroisse de Notre Dame et de Saint Joseph à Kingsland), méritent le détour.

Voici quelques photos de Vernon Quaintance :



Les chevaliers de Malte écoutent attentifs le panégyrique prononcé
par le chapelain de la Royal Stuart Society, le père Nicholas Schofield.




Le père Nicholas Schofield lisant son panégyrique.




Mgr Bernard Longley bénit le catafalque.

samedi 22 septembre 2007

Une femme et la propagande de guerre


Le New York Times publie un intéressant article consacré à la photographe Gerda Taro qui fut un grand contributeur d'images pour la propagande communiste durant la guerre d'Espagne.

A Wartime Photographer in Her Own Light


Sometime in the spring of 1936, the lovers and photographers André Friedmann and Gerta Pohorylle changed their names and, in the process, the history of photography. To distinguish themselves from other Jewish émigrés in Paris at the time, Mr. Friedmann, a Hungarian Jew, took the name Robert Capa; Ms. Pohorylle, also Jewish and born in Poland, became Gerda Taro. Working at times as “Capa,” an imaginary American photographer, they began documenting the Spanish Civil War, capturing the ruined towns and devastated civilians and soldiers on the Republican side. Lire la suite.

Un diaporama des photos de Gerda Taro




Miliciennes photographiées en catalogne en 1936.

Guy Môquet résistant… contre la France ?



Liquider les traîtres

La Face cachée du PCF, 1941 – 1943

de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre

Robert Laffont, 510 p., 22 e, ISBN 9782221107560.


L’écrivain et journaliste Christian Authier, publie dans les colonnes de Marianne un intéressant point de vue sur la « Môquetmania ».

Contre la « Môquetmania »

Merci Bernard. Il aura fallu la décision de Bernard Laporte de faire lire à ses joueurs avant le match France - Argentine la lettre de Guy Môquet pour qu'enfin beaucoup sentent que l'on avait basculé dans l'indécence et le grotesque. Bien. Mais, encore un effort, camarades. Le ver de l'instrumentalisation de l'histoire par la communication politique n'était-il pas déjà dans le joli fruit de la « résurrection » de Môquet par Nicolas Sarkozy ? Lecture de la lettre le jour de l'intronisation du Président puis chaque 22 octobre dans toutes les écoles de France : cela ne méritait-il pas débat ? Certes, il y en eut. Des historiens et des enseignants exprimèrent leurs réserves, voire leur franche hostilité à ce qui apparaissait à certains comme une récupération. Mais ces oppositions ne furent guère audibles. La môquetmania battait son plein et l'on n'avait pas trop envie de passer pour un mauvais Français.

Avec Guy Môquet brandi, comme Jaurès, par le candidat Sarkozy durant la campagne, le futur Président pratiquait « l'ouverture ». Pourquoi avoir choisi Môquet parmi ceux tombés face à l'occupant nazi et ses alliés hexagonaux ? Parce qu'il avait été glorifié par Aragon et le PCF, que son nom appartenait au roman national, que sa dernière lettre est bouleversante. La « marque » Môquet, déposée à une station de métro, était porteuse. Il suffisait de lui redonner un petit coup de jeune.

Sur le fond, qu'apporte la lecture de cette lettre aux écoliers ? En quoi éclaire-t-elle le pacte germano-soviétique ? Le vote des pleins pouvoirs à Pétain par le Parlement ? la marginalité des premiers résistants ? Il faudra bien d'autres lectures pour comprendre cette époque. Celle, par exemple, du Sang des communistes de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre. Gilles Perrault livrait dans Marianne en octobre 2004 un article à la fois louangeur et critique de cet ouvrage rendant « un juste hommage aux jeunes communistes des Bataillons. » On pouvait lire également sous la plume de Perrault : « Les auteurs rappellent que Môquet fut arrêté pendant le lugubre été 1940, époque où le Parti, triste marionnette dont les fils étaient tirés à Moscou par le Komintern, c'est-à-dire par Staline, recevait l'ordre de sortir de la clandestinité. Résistant, Guy Môquet ? L'archive, la sacro-sainte archive démontre le contraire : les tracts qu'il distribuait lors de son arrestation n'appelaient nullement à résister, ils continuaient de dénoncer imperturbablement le caractère impérialiste de la guerre. » Voilà qui ne cadre guère avec l'actuelle canonisation laïque de Môquet par le pouvoir pour lequel l'Histoire semble se réduire à un discours officiel, à des symboles, à un marketing politique vintage distillé par une sorte de ministère de la Vérité qui n'aurait pas oublié le précepte orwellien : « Qui détient le passé détient l'avenir. »




Reproduction des deux pages de l'édition de
l'Humanité du 1er juillet 1940.
Les communistes réclament des sanctions contre ceux
qui ont voulu faire la guerre à Hitler.



L’historien Stéphane Courtois a choisi les colonnes du Figaro pour publier une recension de l'essai de Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre consacré à la sanguinaire police politique au sein du Parti communiste français durant la Seconde Guerre mondiale.

De la Résistance à l'assassinat politique

Depuis 1944, la Résistance a été - des gaullistes aux communistes - le socle de toute légitimité politique ; et elle a mobilisé la mémoire nationale et nourri un imaginaire tant nationaliste que révolutionnaire. Les résistants ont multiplié des récits qui ont été considérés comme textes sacrés par l'opinion et la plupart des historiens. Ce privilège du témoin s'est maintenu pendant six décennies, une loi de 1979 ayant imposé ce délai à l'ouverture des archives de l'État. Et il a, au fil des ans, encouragé le développement de légendes résistantialistes, colportées - souvent jusqu'à la boursouflure - par nombre d'auteurs et que, faute d'accès aux documents représentant une réelle preuve, il était impossible de vérifier.

Ce délai est aujourd'hui forclos et l'on assiste à une révolution documentaire qui inaugure la renaissance des études sur la Résistance et fait voler en éclats les légendes. En 2004 déjà, Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre ont publié un ouvrage remarquablement documenté sur les débuts de la lutte armée du Parti communiste français, de l'été 1941 au début 1942. Un lancement qui se solde par un triple échec : 7 soldats allemands tués, 30 combattants arrêtés et condamnés à mort et 218 otages fusillés - dont le désormais célèbre Guy Môquet, arrêté début octobre 1940, alors que le PCF n'était encore guère résistant. Avec Liquider les traîtres - et grâce aux riches archives de la Préfecture de police de Paris, qui recèlent également les archives internes du PCF clandestin, saisies lors des arrestations -, les mêmes auteurs éclairent tout un pan, très mal connu parce que très secret, de l'histoire du PCF en résistance : celle du « détachement Valmy ». Harcelé par Moscou qui exigeait une intensification de la lutte armée en France, Jacques Duclos, le chef du parti clandestin, chargea ce groupe - bras armé de la commission des cadres, organe central de l'appareil - d'organiser à Paris, entre août et octobre 1942, des attentats spectaculaires contre l'occupant. Le plus fameux fut l'attentat contre le cinéma Rex qui tua trois Allemands et en blessa une vingtaine. Mais le « Valmy » avait d'autres activités moins avouables : il était en réalité la police intérieure du parti, et ses membres se considéraient comme une « GPU », du nom de la police politique de Staline. Ainsi, de juillet 1941 à juillet 1942, le « Valmy » s'est consacré à des assassinats ciblés visant en priorité d'ex-dirigeants communistes qui, après le pacte entre Hitler et Staline d'août 1939, s'estimaient trahis dans leur engagement antifasciste et avaient quitté le parti. Le premier, abattu dans le dos, fut Marcel Gitton, ex-membre du bureau politique. S'il visa des collaborationnistes - comme Clément, rédacteur en chef du journal de Doriot -, le « Valmy » commit aussi nombre de « bavures », coûtant la vie à des Français innocents. Deux cas sont particulièrement troublants : celui de Georges Déziré, cadre communiste important accusé à la légère de travailler pour la police, assommé à coups de briques et abattu à coups de revolver, et que Duclos, après guerre, lava de tout soupçon ; et celui de Mathilde Dardant, une jeune femme agent de liaison de Benoît Frachon - numéro deux du parti clandestin -, assassinée sur ordre de la direction, semble-t-il pour raisons « sentimentales », et dont le corps fut abandonné, nu, dans les bois.

Fanatisme idéologique

Le « Valmy » a été un de ces noyaux formés par le PCF et prêts, par fanatisme idéologique et discipline bolchevique, à suivre aveuglément les ordres, y compris les plus infâmes. Le fonctionnement et la mentalité de ce groupe soulignent ce qui, au coeur de l'appareil communiste, constituait sa dimension proprement totalitaire. Cette histoire du « Valmy » éclaire, en miroir, celle des deux brigades spéciales des Renseignements généraux chargées de traquer les « terroristes ». Formées de policiers républicains, elles recherchaient déjà les communistes en 1939-1940, quand le PCF prônait le défaitisme en pleine guerre contre Hitler, et poursuivirent ce travail quand, à partir de l'été 1941, le PCF entra en résistance ouverte à l'occupant. Les auteurs nous en détaillent l'organisation, nous brossent le portrait et les motivations de leurs chefs, nous décrivent leurs méthodes de travail - de la filature la plus sophistiquée aux tortures physiques et psychologiques les plus efficaces - et nous narrent la fin de la partie : lors de la libération de Paris, une préfecture où la cave du préfet de police a été pillée, où l'état d'ébriété est général et où le communiste Arthur Airaud a pris le commandement, s'emparant de nombre d'archives pour le compte du parti et engageant une épuration expéditive.



Dans les colonnes du Monde, Thomas Wieder recense l'ouvrage de Jean-Marc Berlière et de Franck Liaigre. A lire en parallèle avec celle de Stéphane Courtois.

Quand le PCF faisait la police dans ses rangs

Au vu du titre, on pourrait craindre le pire. Vouloir aujourd'hui faire la lumière sur la "face cachée" du Parti communiste sous l'Occupation fleure, à première vue, le "coup" éditorial. Les historiens ont corrigé depuis longtemps l'image héroïque d'un parti qui se présenta, à la Libération, comme le principal, sinon le premier fer de lance, de la lutte armée contre Vichy et les Allemands. Nul n'ignore plus que le PCF, lié au pacte germano-soviétique de 1939, attendit l'attaque de l'URSS par l'Allemagne, en juin 1941, pour basculer dans la Résistance (ce qui n'empêcha pas certains militants, obéissant à leur conscience plutôt qu'à la direction du parti, d'entrer en dissidence avant cette date).

Quelle est donc cette Face cachée que Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre entendent révéler dans ce livre ? Fin 1941, L'Humanité, publiée alors sous le manteau, lance un avertissement : les "traîtres", y lit-on, seront "abattus comme des chiens". Pour accomplir cette besogne, les dirigeants du PCF font appel à une trentaine de militants connus pour leur fidélité et leur sang-froid. En référence aux patriotes de 1792, on donne à leur groupe le nom de Valmy.

Les membres du "détachement Valmy" seront impliqués dans quelques affaires célèbres. Ce sont eux qui, en septembre 1941, tirèrent à bout portant sur Marcel Gitton, un ancien cadre du PCF rallié à la politique de collaboration. Eux aussi qui furent chargés de tuer leur camarade Georges Déziré, en mars 1942, dans la cave d'une villa des bords de Seine. Figure du communisme normand, Georges Déziré était soupçonné - à tort, comme le reconnaîtra la direction du PCF en 1948 - d'avoir "balancé" à la police des noms de résistants...

Au total, une vingtaine de personnes auraient ainsi été exécutées par ces militants placés sous le contrôle de Jacques Duclos, devenu le principal chef du parti après le départ de Maurice Thorez pour l'URSS en 1939. Françaises ou allemandes, les cibles étaient généralement tuées par balles dans des lieux discrets. Quelques attentats à la bombe furent aussi perpétrés dans des cinémas ou des gares de la région parisienne. Plusieurs personnalités gravitant dans les cercles collaborationnistes furent inquiétées : des journalistes en vue, comme Pierre-Antoine Cousteau ou Jacques Benoist-Méchin, mais aussi des politiques, comme l'ancien communiste Jacques Doriot, le chef du Parti populaire français.

L'histoire du "détachement Valmy", dans ses grandes lignes du moins, était connue depuis longtemps. Mais Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, qui ont dépouillé une masse d'archives considérable (notamment à la Préfecture de police de Paris), en donnent ici le récit le plus exhaustif qui ait été publié à ce jour. Rectifiant certaines erreurs contenues dans les témoignages déposés après-guerre, ils apportent aussi des précisions inédites, tant sur le fonctionnement des instances dirigeantes du PCF clandestin que sur la façon dont la police française procéda à sa répression. Celle-ci fut sans pitié. Dès l'automne 1942, un an à peine après ses premières actions, le "détachement Valmy" fut démantelé. Certains de ses membres furent torturés à mort, d'autres déportés. Jean-Marc Berlière, qui est incontestablement le meilleur historien de la police, décrit la chute du réseau dans ses moindres détails - comptes rendus de filatures, de perquisitions et d'interrogatoires à l'appui.

Autant que La Face cachée du PCF, c'est donc l'une des pages les plus sombres de l'histoire de la police française qui est racontée dans ce livre. Et en particulier celle de ces redoutables "brigades spéciales", auxquelles la direction des Renseignements Généraux accorda de gros moyens pour traquer les résistants communistes.

vendredi 21 septembre 2007

Maximilien, duc de Bretagne

Un mariage qui aurait
changé la donne en Europe

Les Français ont oublié le mariage entre la duchesse Anne de Bretagne et Maximilien, le futur empereur d’Allemagne. Par cette union, les Bretons voulaient préserver l’indépendance de leur duché et les Habsbourg prendre la France à revers pour protéger leurs domaines bourguignons. Mais la faiblesse militaire de l’Empire et la puissance du roi de France firent échouer cette alliance qui aurait pu changer l’équilibre politique de l’Europe et modifier profondément l’histoire de France.





Maximilien Ier, roi des Romains, duc de Bourgogne et de Bretagne

Le successeur légitime de François II n’est pas le roi de France Charles VIII, mais l’archiduc Maximilien d’Autriche, qui tient le duché du chef de son épouse, la duchesse Anne. C’est du moins ce qui ressort de la titulature employée par le roi des Romains en 1492 et 1493 : les duchés de Bretagne et de Bourgogne forment le dernier étage d’une stratigraphie politique qui semble donner raison à l’adage Alii bella gerant ; tu felix Austria, nube
Dans le cas précis de la Bretagne, comme dans celui de la Bourgogne, il est davantage question de guerre que d’hyménées. En 1491, le roi des Romains ne règne pas plus à Rennes qu’il ne règne à Dijon, et la plupart de ses titres ne sont que des chimères, rêves de gloire à venir ou lointains souvenirs.

Un mariage par procuration

Célébré par procuration le 19 décembre 1490, à Saint-Pierre de Rennes, le mariage de la duchesse Anne et de Maximilien Ier a été annulé de fait un an plus tard, en scellant définitivement le destin de la Bretagne et en provoquant une onde de choc dont les effets ont perduré pendant des décennies. Il convient d’aller au-delà du thème (apparemment anecdotique) du rapt de la fiancée (Brautraub), abondamment développé par là propagande impériale, et de la remise en cause d’un traité de paix qui prévoyait de faire de Charles VIII le gendre de son compétiteur. Les enjeux de ce vaudeville se jouent à l’échelle de l’Europe : ils s’inscrivent dans le cadre d’une lutte séculaire entre les rois de France et la maison d’Autriche.
« De l’alliance dudit mariage furent plusieurs nobles gens fort émerveilliez pour plusieurs causes, souverainement pour ce que la duché de Bretaigne… estoit lors avironné, persécuté et besaudé du roi de France » (Molinet).
Les historiens connaissent bien le tableau que brosse Commynes à la fin du règne de Louis XI : le souverain laisse à son fils un royaume pacifié, protégé par de bonnes garnisons, par des alliés bien pensionnés et des ennemis fort divisés. La Bretagne « à qui il portoit grant hayne (était) en paix avecques luy, mais il les tenoit en grant peur et en grant crainte, pour le grant nombre de gens d’arme qu’il tenoit logez à leurs frontières ».
Une carte géographique parue en 1493 permet de fixer les représentations géographiques de Maximilien ou de ses contemporains : la France correspondait d’abord au bassin de la Seine séparé des régions voisines par des zones de montagnes. La Bourgogne et la Bretagne étaient deux ensembles symétriques.
De fait, la Bretagne et l’Autriche n’étaient pas dépourvues de relations. « En son vivant, dit Molinet, le duc François estoit conféderé et allié à la Maison d’Austrice et, long tampz paravant, au duc Charles de Bourgoigne » ; « il avoit longz ans fort debellé les Franchois et chevalereusement résisté à leurs emprises ».

Une alliance bretonne

Les liens entre les princes de Bretagne et les Habsbourg sont probablement moins vivants, mais ils existent. Ainsi, Éléonore d’Écosse (morte en 1480), qui avait été l’épouse de l’archiduc Sigismond de Tyrol, cousin de Frédéric III, n’était-elle pas la belle-sœur de François Ier ?
D’après Commynes, le troisième enfant de Marie de Bourgogne et de Maximilien s’était appelé François, en hommage au duc de Bretagne : un patronage d’autant plus significatif que les deux aînés portaient les noms de leurs ancêtres bourguignons.
Cette naissance est d’ailleurs contemporaine de l’alliance austro-bourguignonne renouvelée par François II en 1480 « pour le plus grand désir et cordiale affection que avons a l’entretenement et continuation de bienveillance, amitié et bonne intelligence entre nosdits cousins d’Osteriche et de Bourgogne… ». Rapprochement sans véritable consistance, car les Habsbourg ne disposaient pas des moyens de leurs ambitions. Le slogan AEIOU inventé par Frédéric III (Austriae est imperare orbi universo ou Alles Erdreich ist Osterreichs Untertan : « Toute terre est soumise à l’Autriche ») résonnait assez mal au moment où Mathias Corvin régnait à Vienne (1485-1490) après s’être emparé des terres héréditaires de la maison d’Autriche ; l’Empire n’était encore qu’une grande coquille, et pas même l’esquisse d’une fédération.
Reste le personnage même de l’archiduc, qui incarne bien des espoirs et bien des déceptions. « Fort jeune, mal pourvu de grant sens », suivant Commynes, qui attribue ses premiers échecs au fait que « le tout, en ceste maison de Bourgougne, estoit mort ou tourné es nostres, ou peu s’en falloit, j’entends des grans personnages qui l’eussent sceu conseiller et ayder ». En 1477, lors de son mariage avec Marie de Bourgogne, il ne reste pas grandchose de l’ancienne Bourgogne, sinon des prétentions entretenues par les juristes et les historiens.
Le premier signe d’un rétablissement se place en 1479, lors de la victoire de Maximilien à Guinegate (7 août 1479). Pour ne pas prolonger les hostilités, Louis XI et les villes flamandes finissent par lui imposer un traité de paix conclu à Arras le 23 décembre 1482 : une restitution fictive des terres occupées après Nancy, l’Artois, la Franche-Comté et les seigneuries de Mâcon, Auxerre, Salins et Bar-sur-Seine, qui composeraient la dot de la petite Marguerite d’Autriche fiancée au dauphin Charles. En 1491, celle-ci « croissait au beau jardin de France, en espoir de consommation de son maryage » et servait en quelque sorte de garantie.


Superbe portrait de l’empereur Maximilien Ier par Albert Durer. Daté de 1518, il révèle l’extrême attention portée par le monarque à son image. Du XVe au XVIIIe siècle, la gravure est l’un des outils du pouvoir. Elle magnifie les princes et leurs victoires militaires. Maximilien sera l’un des premiers à consacrer beaucoup de temps à surveiller le travail des artistes et à encourager la diffusion des œuvres à sa gloire.


Un prince bourguignon

Devenu plus bourguignon qu’autrichien, mais peu aimé de ses sujets flamands, Maximilien consolide lentement ses projets. Son père lui obtient la couronne d’Allemagne le 16 février 1486. L’année suivante, en 1487, la mise sous tutelle de son cousin Sigismond de Tyrol laisse augurer d’une succession dans le comté alpin et dans ce qu’on appelle désormais l’Autriche antérieure, c’est-à-dire principalement le landgraviat de Haute-Alsace et le comté de Ferrette qui jouxtent la Franche-Comté : un deuxième front est donc possible.
En dépit du traité d’Arras, les zones frontalières restent le théâtre d’accrochages sporadiques entre les Français et les partisans de la Bourgogne En juin 1486, le gouverneur de Douai, Salezar et une force anglo-bourguignonne s’emparent de Thérouanne ; ils en sont délogés l’année suivante par une contre-offensive du maréchal d’Esquerdes. Aux limites de la Franche-Comté, on signale quelques incursions de moindre importance, mais seule une chronologie fine permettrait d’affirmer qu’il existe un plan concerté. L’alliance conclue entre François II et Maximilien fonctionne bien ; elle a été reconduite le 15 mars 1486. L’idée d’un mariage « autrichien » fait suite à ce renouvellement et semble d’abord avoir été le fait du duc (23 septembre 1486). En 1488, celui-ci dispose de contingents allemands, mais il n’est guère possible d’en connaître la composition exacte. Qui sont Henri de Villespern, qui commande les Allemands de la garde, le comte de Lissenenc, ou Christophe de Rosemberc ? S’agit-il de capitaines issus de la noblesse d’Empire ou de gentilshommes des Pays-Bas ? Parmi les Bourguignons cités, le seul qu’on puisse identifier est Othenin de Chastaigne ou de Chassagne : ce fidèle de Maximilien dont les terres franc-comtoises ont été confisquées par les Français sera nommé gouverneur d’Ornans après 1493. Au moment de la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, l’efficacité de l’alliance est probablement très réduite : attisée par le roi de France, la révolte des villes flamandes a retenu l’essentiel des forces de Maximilien, lui-même captif à Bruges pendant de longues semaines (février-mai 1488).
Présenté comme une paix générale à l’échelle de l’Europe, le traité de Francfort-est autant la fin d’un conflit que la mise en route d’une nouvelle coalition contre le roi de France.


Un mariage contre la France

Le congrès qui se clôt le 22 juillet 1489 a rassemblé les protagonistes des différentes guerres en cours – la Bretagne y est représentée par son trésorier – et décidé d’un règlement qui prolonge le traité d’Arras de 1482 ainsi que d’autres conventions en attendant la suite des pourparlers. Ainsi, le soulèvement flamand, réprimé sur place par Albert de Saxe, trouve-t-il un apaisement lors du traité de Montils-lèsTours (30 octobre 1489), tandis que la question bretonne, suspendue depuis la paix du Verger (21 août 1488), fait l’objet d’autres négociations à Ulm au courant de l’été. L’indépendance de la Bretagne est maintenue au prix d’un dégagement anglais et, par conséquent, d’un affaiblissement militaire et diplomatique du duché. En sa qualité de futur beau-père de Charles VIII, Maximilien est associé au maintien de la chose.
Le projet de mariage de Maximilien et d’Anne de Bretagne (duchesse en titre depuis le 10 février 1489) a pris corps entre l’été 1489 et le printemps 1490. Il apparaît comme une dernière tentative de sauvegarde de l’indépendance du duché et, pour l’archiduc, comme une sorte de réplique du mariage de 1477. Il a vraisemblablement été encouragé par l’abdication de Sigismond d’Autriche et, partant, par la cession de ses terres à son cousin (16 mars 1490). En effet, la procuration datée d’Innsbruck, le 20 mars 1490, est l’un des premiers actes pris par Maximilien en sa qualité de comte de Tyrol et de comte de Ferrette.
Les différents protagonistes du mariage mériteraient, eux aussi, une étude plus approfondie. Ainsi, quelle a été l’attitude de Jean de Chalon, prince d’Orange ? En 1477, n’avait-il pas d’abord trahi Marie de Bourgogne en tant que gouverneur du comté de Bourgogne ? Sa volte-face, son départ pour la Bretagne – il était le neveu du duc François II – et son comportement ultérieur le rendent éminemment suspect : il n’a pas la confiance du roi des Romains et le fait qu’il ne paraisse pas sur la procuration en témoigne. Y. Labande-Mailfert le décrit comme « l’un des personnages les plus troubles de l’histoire de France ». En revanche, les plénipotentiaires envoyés en Bretagne au courant de l’automne sont de bons serviteurs. Engelbert II de Nassau a été l’un des signataires du traité de Francfort : c’est un grand seigneur de l’Empire, un fidèle de toujours ; il sera fait chevalier de la Toison d’or lors du quinzième chapitre de l’ordre, à Malines, en 1491. Nous savons qu’il n’effectue pas le voyage de Bretagne.
Wolfgang de Polheim représente Maximilien dans la cérémonie du mariage : compagnon de jeu de Maximilien, né un an avant lui, en 1458, s’il l’a suivi aux Pays-Bas dès 1477 ; prisonnier des Français lors de la bataille de Guinegate, il a, suprême dérision, été échangé contre des chiens. En 1488, lors de la révolte des Flamands, il a partagé la captivité du roi et échappé de peu à la mort. Le qualificatif de « mignon », employé par Molinet, n’a pas d’autre sens que celui de favori. Plus tard, Polheim participe à la reconquête de la Comté (1492-1493) et se voit confier le gouvernement de Basse-Autriche (1496) qu’il assure jusqu’à sa mort en 1512, sans en avoir les capacités. Quant à maître Jacques de Gondebaut, secrétaire, et Gaspard Loupian, maître d’hôtel, ce sont avant tout des techniciens, même si le premier semble avoir bénéficié d’une très grande confiance : l’un et l’autre sont issus du milieu bourguignon demeuré au service de Marie et de Maximilien. La procuration précise que les trois premiers sont nantis des pleins pouvoirs « pour, et au nom de nous expres transporter par devers ladite duchesse de Bretagne, lui dire & déclarer, & à ceux de son sang, aussi aux barons, nobles & sujets de ladite duché, si besoin fait, notre vouloir, intencion et désir au fait dudit traité & alliance de mariage d’entré nous & elle… ».


Une longue négociation

Les circonstances du mariage sont bien connues. Notons seulement que l’affaire se fait au grand jour, très lentement, et que les Etats de Bretagne n’encouragent pas vraiment la solution maximilienne. Les conditions sont les suivantes :
1. En cas de décès de Maximilien, de son père Frédéric III ou de son fils Philippe le Beau, Anne pourra revenir librement en Bretagne ;
2. Si le couple n’a pas d’enfants, Maximilien ou ses successeurs n’auront aucun droit sur le duché ;
3. Maximilien devra respecter les droits et libertés de la Bretagne ;
4. Les villes et places fortes seront exclusivement confiées à des Bretons ;
5. Il n’y aura pas d’impôt sans le consentement des Etats ;
6. Les représentants du couple princier se conformeront à l’avis des seigneurs bretons ;
7. Ils seront eux-mêmes originaires de Bretagne ;
8. Le premier enfant du couple sera élevé en Bretagne ;
9. En cas de naissances multiples, l’aîné héritera du père, le second de la mère ;
10. Le roi des Romains ne fera pas la guerre sans le consentement de ses sujets bretons.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, de telles capitulations sont relativement courantes à la fin du Moyen Age. Des clauses supplémentaires, rapportées par l’ambassadeur milanais Herasmo Brasca, prévoient que les dispositions du traité seront caduques si Maximilien n’envoie pas de renforts militaires avant Pâques 1491.
« Ce mariage doncque de dame Anne de Bretagne haïant esté faict au mespas des maisons de Bourgogne et d’Autriche » (L. Gollut).
A la réflexion, ce mariage « téléguidé », qui heurtait de front les ambitions françaises et compromettait du même coup les dispositions de la paix d’Arras, peut être compris comme une provocation. Son échec se situe entre décembre 1490 et l’été suivant et s’explique en grande partie par une série de diversions survenues à l’est de l’Empire, à la suite de la mort de Mathias Corvin (6 avril 1490). Ainsi, lors de la diète de Francfort, au milieu de l’année 1491, Maximilien se révèle incapable de mobiliser les Etats de l’Empire en faveur de sa politique. Son propre père, l’empereur Frédéric III, tente de le dissuader d’une aventure bretonne préjudiciable à la lutte contre les Hongrois. Le Reichsconvent de Metz, quelques mois plus tard, n’a guère plus de succès ; l’offensive prévue tourne court.
Comme on le voit. le temps et une meilleure connaissance de la situation réelle ont joué en faveur de Charles VIII. « Quant au roi des Romains, je pense que vous savez que son affaire est déjà ruinée », écrit dès le 19 septembre l’ambassadeur milanais Herasmo Brasca. Lorsque la duchesse Anne ratifie le traité de mariage, le 6 décembre 1491, l’annulation du mariage autrichien est quasiment réglée. Dès le 13 décembre, Pierre d’Urfé, grand écuyer de France, est chargé de justifier la politique royale devant les maîtres de l’université de Paris. Son manifeste insiste sur la rupture
de facto du traité d’Arras, dont la validité était déjà fort discutable « pour deux causes : la première, pour ce que (Louis XI) se veoit sur son aige aggravé fort de diverses maladies ; la seconde, cuidant appaiser les guerres et rancunes lesquelles avoient esté nourries de long temps en la maison de Bourgoigne contre le roy et son royaulme ». L’agression est le fait de Maximilien ; elle s’effectue dans le nord – Thérouanne, Saint-Quentin, Arras – et se prépare en Bourgogne… Mieux : Pierre d’Urfé accuse Maximilien, « voiant qu’il ne povoit venir à sa fin par faiz, a vollu venir par cautelles, principalement en faidant de volloir espouser et prendre en mariage la duchesse de Bretaigne, de quoy faire jamais n’eust l’intention, mais faisoit ce bruit courrir affin de espouvanter le roy et de la fere avoir à son filz… ».
Pendant que ces événements se produisaient, Maximilien se trouvait à l’autre extrémité de l’Europe : l’occupation hongroise de Vienne venait de s’achever, à la fois par une promenade militaire et par un traité de paix. La nouvelle du mariage français fut connue au début de l’année 1492. « Il sembloit à tous que grant question en debvoit sourdre, et que le roy des Romains estoit fort injurié, et que on luy ostoit celle qu’il tenoit pour femme et luy rendoit-on sa fille qui plusieurs années avoit esté royne de France », écrit Commynes. De fait, dès février 1492, Maxirnilien dépêche des émissaires dans la plupart des cours allemandes et cherche à mobiliser les sujets de l’Empire. Nous connaissons le cas de Cornelis de Berghe, qui rend visite aux princes de la région rhénane et les met en garde contre des projets expansionnistes du roi de France qui cherche à se constituer un réseau d’alliés en Allemagne, notamment avec l’aide du duc de Gueldre. Plus que le mariage de Charles VIII et d’Anne de Bretagne, c’est la rupture des fiançailles du roi et de Marguerite de Bourgogne qui est invoquée. La réplique impériale doit être en proportion du danger encouru, et à l’échelle européenne puisque le roi Henri VII d’Angleterre et l’Espagne y sont inclus. Pour intervenir aussi bien dans le nord, en liaison avec les Anglais, et dans l’est du royaume ennemi, Maximilien se propose de stationner à Francfort ou Strasbourg et d’y convoquer le Reichstag.

Les suites de l’échec du mariage breton

De toute évidence, Maximilien ne semble pas avoir prévu une offensive en direction de la Bretagne. Les hostilités s’ouvrent avec frontières de la Flandre et de la Picardie pendant l’été 1492, Saint-Omer et Arras se livrent aux cris, révélateurs, de « Vive Bourgogne ! », puis, depuis l’Alsace, fin novembre. A cette date, l’alliance anti-française s’est déjà émiettée puisque Henri VII a signé une paix séparée à Etaples (7 novembre 1492) tandis que Ferdinand d’Aragon négocie, en attendant la paix de Barcelone. Menée par le roi des Romains en personne, l’offensive de Franche-Comté atteint rapidement la Saône, de manière à bloquer l’accès du nord de la province, puis oblique vers le sud, pour contrôler Salins, une des places les plus importantes. Faut-il admettre l’hypothèse d’une attaque de plus grande ampleur en direction de Lyon ? Ce n’est pas invraisemblable. Début janvier 1493, Charles VIII envoie Jean de Chalon en qualité de commandant en chef en Bourgogne. Le combat de Dournon (7 janvier 1493) est salué comme une victoire de la noblesse et des lansquenets allemands ; il se traduit par un renforcement durable de la présence habsbourgeoise en Comté.
Mettant un terme au conflit, le traité de Senlis du 23 mai 1493 va associer l’archiduc Philippe le Beau que Commynes avait tenté d’isoler de son père. Du côté autrichien, les négociations sont menées par l’évêque d’Eichstatt, Guillaume de Reichenau, et par le comte de Zollern. Les clauses territoriales comprennent bien la restitution d’une partie de l’héritage bourguignon, « Comtez de Bourgogne, Artois, Charolois et seigneurie de Noyers au roi des Romains, comme père et maimbourg de mondit seigneur l’archiduc », avec une réserve concernant les droits de souveraineté sur les terres mouvant du royaume de France (paragraphe 5, et la stipulation de l’hommage). On en revient donc à la situation d’avant 1482. Paradoxalement, le résultat le plus concret de la guerre de Bretagne est la réalisation d’une partie des espérances du mariage bourguignon de 1477. Pour Maximilien, l’épisode s’achève par un autre mariage politique (et financier) : cette fois, l’épouse est la fille du duc de Milan, Bianca Maria Sforza, dont l’union est célébrée par procuration le 29 novembre. Quelques semaines plus tard, le 28 décembre, il s’engage à ne plus revendiquer la Bretagne : « Renuncons par cesdites présentes audit tiltre de duc de Bretingne et à tous lesdits pretendus pourparleez de mariage, ensemble a tout tel droit que pourrions avoir ou pretendre audit duché de Bretaingne. ».
« Propter raptum sponse regis Romanorum et crimen lese maiestatis in Imperium ». La fougue désordonnée qui anime Maximilien tout au long des années 1488-1493 change d’objectifs à partir du traité de Senlis et, plus encore, à partir du décès du vieil empereur Frédéric III, le 19 août 1493. Dans des recommandations contemporaines des événements, un de ses conseillers ne lui suggère pas moins qu’une sorte d’alliance avec le roi de France sur la base du traité d’Arras conclu par Philippe le Bon et Charles VII en 1435. « Le roy se aquitera envers Dieu et deschargera sa conscience et moyennant ce que dessus dit pourra facillement… avoir l’amour, fraternité et intelligence perpétuelle avec S.M. le Roy des Romains futur empereur, grant monarche des Chretiens aujourd’hui le plus puissant qu’il soit esté depuis vc ans en la nacion germanique et au moyen de ladite fraternité et intelligence pourra le roy de France plus facillement conduyre ses entreprinses et mectre à execution ses beaux et vertueux vouloir et desirs, tant en son royaume de Naples comme ailleurs. Et semblablement, au moyen d’icelle paix, fraternité et intelligence pourra le roy des Romains estre porté et favorisé par le roy de France, le plus grant et plus puissant prince qu’il soit entre les chrestiens et par ce moyen recouvrer plusieurs royaulmes, duchez, contez et seigneuries de long temps usurpées. ».
En 1498, la disparition inopinée de Charles VIII fut l’occasion d’une reprise des hostilités aux frontières de Bourgogne : Maximilien voulait se saisir du duché et des autres domaines toujours occupés en mobilisant les forces de l’Empire. Cependant, la diète de Fribourg-en-Brisgau n’accorda pas les moyens nécessaires et l’offensive dans le sud de la Champagne avorta au courant du mois d’août. A côté de l’argument moral qui, selon lui, interdisait le remariage d’Anne de Bretagne, Maximilien invoquait longuement l’Histoire : un discours retranscrit par l’ambassadeur milanais Herasmo Brasca développe très longuement le thème de la malhonnêteté française. Rétablie au tournant du siècle, par les traités de Lyon (1501) et de Blois (1504), la paix revient une nouvelle fois sur le contentieux bourguignon, et assortit son règlement d’une solution à la question bretonne dans laquelle on peut voir en effet de la bienveillance de la duchesse Anne. Une des clauses du mariage projeté entre la princesse Claude de France et le petit Charles de Luxembourg, le futur Charles Quint, n’est-elle pas la création d’un apanage réunissant les duchés de Bretagne et de Milan ? On sait ce qu’il est advenu de ces combinaisons.

Le mariage breton et la conscience nationale allemande

Le mariage breton est le véritable révélateur de la conscience nationale allemande : il met en lumière la faiblesse de l’Empire et désigne son ennemi d’une façon beaucoup plus flagrante qu’à l’époque du siège de Neuss par Charles le Téméraire, en 1474. Le développement de l’imprimerie et l’entrée en scène d’une nouvelle génération de lettrés lui donnent une ampleur sans précédent.
Ainsi, les propagandistes montrent-ils dans le Brautraub un exemple éclatant de la perfidie française
(Francorum perfidia).
Un rapport anonyme, écrit aux alentours de 1492, place le roi de France dans une continuité irréfutable :
Ut enim pater tuas quondam famose memelsass meteororie Ludovicus, illustrissimam quondam puellam Mariam, quandam Burgundie ducem, corruptionibus ac prodicionibus, non vi bellica, multis patriis spoliareet, sic te, quoque illustrissimam Annam, Britanie ducem, spoliare contendisse demonstras. Ces arguments sont, à peu de chose près, ceux de l’humaniste Jacques Wimpheling, qui a croisé le fer avec son collègue français Robert Gaguin dès 1491-1492.
En novembre 1492, au moment où l’armée du roi des Romains se concentrait dans le sud de l’Alsace, la chute d’une météorite fut présentée comme le présage d’une victoire certaine. La feuille volante de Sébastien Brant qui interprétait l’événement, « Quelque chose de terrible pour les Français » – donna lieu à quatre éditions successives – soit de deux à quatre mille exemplaires –, et fut reprise par de nombreux auteurs. Dix ans plus tard, Maximilien se réclamait toujours de la protection du ciel qui lui avait offert la victoire de Dournon, pendant l’hiver, puis la paix de Senlis.
Abondamment diffusés, et pas seulement dans les cercles humanistes puisqu’ils apparaissent notamment dans la chanson populaire, ces thèmes vont façonner le nationalisme allemand. Dès lors, en effet, on cherche à rassembler les preuves d’une supériorité de la race germanique, en se référant aussi bien à un passé mythique – en 1495 Maximilien ordonne de retrouver le tombeau de Siegfried, à Worms – qu’aux exemples les plus proches : Gutenberg n’est-il pas lui-même un des héros de ce panthéon ? En 1501, Jacques Wimpheling, qui avait déjà célébré la chute de Charles le Téméraire, publie une Germania dans laquelle il réfute d’éventuelles prétentions françaises sur le Rhin, en soulignant que jamais l’Empire romain, à présent dirigé par les Germains (il s’agit du thème bien connu de la
« Translatio Imperii ad Cermanos »), n’avait été mené par des Français (38). Un contemporain anonyme, que l’historiographie connaît sous le nom du « Révolutionnaire du Haut-Rhin » va encore plus loin dans cette exaltation. Ne rappelle-t-il pas que la Gaule était originellement soumise aux Trévires ou que les Francs qui l’avaient (re) couquise à l’époque de Clovis étaient eux-mêmes des Germains : « De là l’opinion qu’ont les Français qu’ils ont un seigneur issu de la branche royale des Allemands. » Charles VIII n’est-il pas l’héritier des mœurs dépravées de Childéric ? L’épisode du mariage breton donne lieu au commentaire prophétique que voici : « On pourrait dire que le roi Charles a pris la fille du duc de Bretagne, qui était mariée au roi des Romains et a renvoyé sa fille, qui était sa femme légitime, n’a pas été châtié. Je vous annonce comment il sera puni. En Alsace tout le monde souhaitait sa punition en disant : de même que la France a été sauvée par une vierge, parce que Dieu punit l’arrogance des rois, cette grâce va se produire une nouvelle fois. Lorsque le roi de France croit qu’il a réussi à se tirer d’affaire, c’est précisément à ce moment-là qu’il est vaincu par les Tudesques. La raison ? Une vieille dette ne rouille pas ; ce n’est pas parce qu’on attend longtemps qu’on oublie. Un exemple du passé : une jeune fille appelée businella (« pucelle ») a sauvé la France, c’est pourquoi la France sera de nouveau perdue pour les beaux yeux d’une femme, par l’amour d’une fille du pays tudesque. »
Les effets que le « rapt » d’Anne de Bretagne a produits sur l’imaginaire allemand sont d’autant plus grands qu’ils se combinent avec une tradition issue de la chevalerie. Le fait que le roi Arthur figure parmi les preux et les ancêtres présents autour du tombeau de Maximilien, à la Hofkirche d’Innsbruck, montre l’importance de la matière de Bretagne à la cour des Habsbourg.
A la lumière de ses résultats immédiats, le mariage breton se réduit à un montage diplomatique destiné à contrer les Valois. Mais on peut lui donner une portée bien plus large. Ainsi, à une délégation autrichienne qui s’était rendue en Espagne, à la cour du jeune Charles Quint, en 1519, Guillaume de Chièvres expliquait-il « que l’empereur Maximilien nourrissait une haine éternelle à l’égard des Français, parce qu’ils lui avaient pris sa femme, la duchesse de Bretagne, et qu’ils lui avaient renvoyé sa fille, dame Marguerite, qui était promise au roi Charles, mais n’était pas encore nubile. C’est pour cette raison que l’empereur cherchait par tous les moyens à se venger des Français et à guerroyer contre eux ». Six ans plus tard, la bataille de Pavie allait donner raison aux imprécations et aux prophéties qui annonçaient la victoire de l’aigle impériale sur le coq gaulois.
Georges Bischoff


George Bischoff est professeur d’histoire moderne et d’archéologie industrielle à l’université Marc Bloch de Strasbourg. Les notes n'ont pas été reprises pour la publication de ce texte sur ce blog. Pour les lire, il suffit de demander le texte complet par courriel : bcatz@wanadoo.fr




Les autonomistes bretons commémorent en 1937 la défaite de Saint-Aubin du-Cormier.

Anne de Bretagne revue et corrigée


Anne de Bretagne

Une histoire, un mythe


Collectif

Éditions d'art Somogy, château des ducs de Bretagne 206 p., ill., sources, biblio., chronologie, 28 e, ISBN 978-2-7572-0063-6.

Voici un beau sujet qui aurait permis à tout musée, de Madrid à Salzbourg, de réussir une superbe exposition. Mais l'organiser à Nantes, est-ce une bonne idée ? Pourtant le lieu semble tout indiqué : Anne est bien née dans le château des ducs de Bretagne. C'est vrai, mais il est des musées qui naissent sous une mauvaise étoile et dont les orientations muséographiques suscitent la controverse. Venu au printemps 2007 visiter l'exposition consacrée à la Nouvelle France, l'auteur de ses lignes avait été consterné par le traitement inexistant de l’histoire du duché de Bretagne par les conservateurs.


Le visiteur passe de la gaule romanisée au cœur de la duchesse Anne.
Que s'est-il passé entre ces deux époques ? Rien du tout ?
Ce n'est pas au musée du château des ducs de Bretagne qu'il va le découvrir.





La part consacrée à la période antérieure à 1532, date de l’annexion de la Bretagne par la France, se limitait à la portion congrue. Le visiteur interloqué sautait sans transition d'un vestige gallo-romain au dernier duc et à sa fille Anne. L'histoire turbulente de Nantes, son entrée dans les domaines bretons, l'invasion normande et la reconquête par le duc Alan Barbetorte passaient allègrement à la trappe, tout comme cinq siècles d'histoire d'un duché indépendant qui fut une des puissances européennes de son temps.
On peut donc s'attendre au pire quant au traitement par ce musée d'une des souveraines emblématiques de la Bretagne, celle qui a personnifié depuis trois siècles le dernier élan d'indépendance de cette petite nation.
S'attendre au pire évite de tomber de haut et de se faire mal. Toutefois, après lecture, dans la mesure où le superbe catalogue publié par Somogy est le reflet du travail des conservateurs, non seulement nous avons échappé au pire, mais cette exposition est à la hauteur des attentes des amateurs d'histoire.
Certes, ici ou là on trouve des bourdes, comme Maximilien, roi des Romains, que Dominique Le Page (maître de conférences à l'université de Nantes) désigne « roi de Rome », sans doute emporté par un élan napoléonien. Ou bien encore la coquille que Didier Le Fur a oublié de corriger qui nous apprend que Clovis a régné au XVe siècle. Toutefois, ce sont des erreurs qu'une relecture éditoriale plus attentive aurait largement évité tout comme ce méchant principe de numéroter les siècles en chiffres arabes au contraire de toutes les conventions typographiques.

La méthode de l’oignon
Le principale critique que l'on puisse faire à cette exposition est la méthode qui semble avoir été choisie : celle de la déconstruction. Au lieu de tenter de bâtir le personnage touche par touche, les organisateurs donnent l'impression de partir de l'image de la duchesse fabriquée par l'historiographie bretonne pour arriver au personnage réel tel que les historiens actuels peuvent l'appréhender. Ainsi, au fil des pages on croit assister à l'épluchage d'un oignon, on débretonise couche après couche la duchesse pour retrouver une femme de haut rang de la Renaissance, typique de son temps, qui n'est pas davantage attachée à son apanage qu'un chien à sa niche.
Ce parti pris peut déplaire mais il est légitime car les différents auteurs (à l'exception vraisemblablement d'Alain Croix dont la militance communiste explique probablement l’hostilité aux manifestations de sentiment breton) ont rédigé des études de qualité, très bien argumentées qui se lisent avec intérêt et qui renseignent admirablement les pièces réunies par les conservateurs.

Des lacunes
Un autre reproche que l'on peut faire à ce livre, et à cette exposition, est quelques lacunes. L'éducation de la duchesse, sa formation politique (avec notamment le maréchal de Rieux), la dimension diplomatique de sa vie conjugale, l'importance considérable pour l'équilibre européen de son mariage avec Maximilien, tout cela passa à la trappe. La bibliographie elle aussi semble avoir fait les frais d'omissions qui ne sont peut-être pas toutes innocentes, comme l'article du médiéviste réputé Georges Bischoff consacré au mariage de la duchesse et qui brille par son absence.

Séparer le bon grain de l’ivraie
Tout ça, c'est l'ivraie. Voyons d'un peu plus près le bon grain. Car le livre en compte, et beaucoup. Il faut aller le glaner page après page et se réjouir, par exemple, devant la qualité et le choix des illustrations, rarement vues ailleurs, et réunies ici pour notre plus grand plaisir. Ainsi, au reliquaire de son cœur, connu de tous, on ajoute des médailles, des parchemins, des enluminures, des monnaies, des tapisseries, des tableaux, des objets qui sont de toute beauté.

Chansonnier offert à Anne de Bretagne par Louis II d'Orléans.

Sans être une biographie de la duchesse, car les études partent dans tous les sens, les auteurs tracent un portrait éclaté dont les pièces se réunissent in fine pour nous rendre le visage d'une princesse de son temps.
Parmi les points les plus intéressants, citons surtout celui ébauché par Didier Le Fur qui démontre avec un réel talent de synthèse comment l'image de la souveraine a évolué avec le temps en fonction des nécessités, comment les historiens ont reconstruit une duchesse mythique laquelle aujourd'hui occupe sans conteste l'imagerie populaire.
Beau, intelligent, agaçant, on ne n'ennuie pas une seconde à lire ce superbe livre d'art et il doit se trouver dans toute bibliothèque des amoureux de la Bretagne. Quant aux pages douteuses d'Alain Croix, on est parfaitement en droit de ne pas les lire.

Une souveraine restée présente dans la mémoire populaire.