mardi 13 juillet 2010

Une pseudo histoire des services secrets espagnols


Peut-on écrire une histoire des services secrets alors que les archives sont fermées et que les protagonistes sont encore tenus au secret ?

Tel est le dilemme auquel doivent s'affronter les auteurs assez téméraires pour vouloir écrire une histoire d'hommes sans histoire.

Aux Etats-Unis, de nombreux auteurs ont néanmoins réussi cet exercice grâce à un très sérieux travail d'enquête, rendu plus facile par une ouverture plus grande des institutions du renseignements par une plus grande liberté de parole des acteurs des guerres de l'ombre.

En Europe, rien de tel.

Ecrire l'histoire d'un service d'espionnage revient à reconstruire une affaire criminelle trente ans après les faits grâce à des coupures de presse.

Les exemples en France des livres publiés sur les affaires criminelles les plus emblématiques, songeons au calamiteux Pull-over rouge de Gilles Perrault, rappelle les limites de l'exercice.

Le journaliste espagnol Vicente Almenara vient de démontrer à nouveau la futilité de l'effort dans son livre Los Servicios de inteligencia en España dans lequel il retrace l'histoire des officines de Franco à nos jours.

Contrairement à ce qu'affirme l'éditeur, l'auteur n'a guère mouillé la chemise pour rechercher les témoignages d'anciens des services ou des politiques qui les ont contrôlés.

A défaut d'autre chose, ce livre comble une lacune mais il ne peut prétendre à ce qu'il n'est pas, une histoire des secrvices secrets espagnols.

Synthèse de coupures de presse et d'ouvrages d'investigation publiés au cours des années antérieures, le livre de Vicente Almenara évoque un chien déguisé en loup. En quelques coups de brosse, le féroce Canis lupus redevient l'affectueux Canis lupus familiaris.

Les 1295 notes en bas de page révèlent davantage l'absence totale de sources originales à la disposition de l'auteur. Il me semble que les deux seuls entretiens qu'il a réalisés sont ceux cités in extenso en fin d'opus.

A base de coupures de presse contradictoires et d'ouvrages partiels et partiaux, comment écrire autre chose qu'une chronologie améliorée ?

D'autre part, son exploitation des sources est bien souvent étonnante. Prenons l'exemple du GRAPO, ce mouvement trerroriste d'extrême gauche qui a sévi en Espagne, l'auteur s'appuie principalement sur des sources publiées à l'époque des événements dans un but clairement politique. Inexplicablement, il ne cite à aucun moment les souvenirs de Pio Moa qui fut membre de cette organisation et qui l'a longuement décryptée. De toute évidence, il n'a pas cherché à s'entretenir avec lui ou avec d'autres rescapée de cette minable épopée. Si, corrigeons notre propos, il cite bien quelques phrases de Pio Moa, mais reprises dans l'ouvrage d'un autre auteur.

Pour les visiteurs français, un décorticage plus détaillé de ce livre est peu utile. Q'il suffise de dire qu'il présente de manière synthétique l'information publiée et disponible sur les différentes organisations qui composent au fil du temps le renseignement espagnol.

Que les lecteurs ne s'attendent pas à des révélations fracassantes, mais il permet de suivre l'évolution des modestes moyens mis en place par le franquisme aux véritables usines à gaz qui servent actuellement le gouvernement socialiste. Il rappelle les grandes affaires qui ont secoué ce petit monde, de la transition à la lutte contre l'ETA. En revanche, inutile de chercher une analyse et une mise en parallèle avec les organisations des autres pays. La grave question du manque d'indépendance des espions espagnols vis à vis du pouvoir politique n'est même pas évoquée.

Enfin, l'éditeur n'a pas été à l'auteur d'un livre qui se veut une source d'information exploitable. Non seulement il a oublié les titres courants (!) et ne s'est pas donné la peine de créer un index, mais il a accepté la bibliographie fournie par l'auteur qui est un monument d'indigence. On y trouve dans ce capharnaüm des ouvrages dont le lien avec le sujet sont pour le moins tenus comme la Véritable histoire des taxis de la Marne d'Henri Carré (Paris, 1921) mais les livres cités dans les notes en bas de page et qui constituent la source principale de l'auteur brillent par leur absence comme celui de R. Martin Villa.



vendredi 2 juillet 2010

Le crime de guerre oublié du maréchal Leclerc

Le général Leclerc photographié en Alsace quelques semaines avant l’exécution des douze blessés français de la Waffen-SS par des hommes sous ses ordres.


Pour vous donner envie d'acheter et de lire l'ouvrage aux éditions Grancher d'Eric Lefèvre (né en 1949, spécialiste de l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale, il a publié une quinzaine d’ouvrages) et du journaliste Olivier Pigoreau, je vous invite à lire cet article publié voici quelques années dans les colonnes d'Aventures de l'histoire par Eric Lefèvre.

Un crime de guerre commis par une figure légendaire de la France gaulliste.


Rendez-vous tragique à Bad-Reichenhall


L’exécution par la 2e DB de douze soldats de la division « Charlemagne », le jour même de la capitulation allemande de 1945, constitue un épisode bien mineur d’un conflit qui a coûté tant de millions de morts. Elle suscite pourtant la gêne car elle est associée à la figure légendaire du futur maréchal Leclerc. Cette exécution est devenue le symbole d’une guerre civile dont l’issue dépendait de l’affrontement d’armées étrangères. Le fait que des Français en uniforme américain furent amenés à fusiller des Français en uniforme allemand n’en est-il pas la tragique illustration ? Cette affaire a également suscité bien des interrogations. Qu’en est-il à ce jour ?

A Bad Reichenhall, près de son PC, le général Leclerc interroge les douze Français en uniforme allemand. La tension est vive, les propos échangés acerbes.

En ce 7 ou 8 mai 1945, vers 17 h, trois pelotons d’exécution abattent l’un après l’autre trois groupes de quatre Français en uniforme allemand, à une ou deux exceptions près celui des Waffen-SS. Chacun de ces pelotons a été fourni par une section de combat – celles des sous-lieutenants Florentin, Bell et Morvan – de la 4e compagnie du ler bataillon du Régiment de marche du Tchad (RMT), corps organique de la 2e DB. Une compagnie formée à partir d’un escadron porté FFI recruté à Paris en 1944. Pour l’exécution a été choisie une petite clairière jouxtant le chemin de Kugelbach, sur le territoire de la commune de Karlstein, limitrophe de la petite ville de Bad-Reichenhall, en Haute-Bavière, non loin de l’Oberzalberg.
Ces douze Français appartiennent à la 33e Waffen-Grenadier-Division der SS « Charlemagne » (française n°l) et tous ou presque au régiment de circonstance du SS-Obersturmbannführer Hersche. Il est parti cinq semaines plus tôt du camp de Wildflecken, en Franconie, pour rejoindre le reliquat de la division rassemblé dans le Mecklembourg après avoir échappé au chaudron de Poméranie, où les unités françaises ont été décimées. Intégrant lui-même quantité de rescapés de ces combats, quelquefois blessés, ce régiment de 1 200 hommes a dû finalement prendre le chemin du Sud. A la suite de quelques nouveaux combats livrés par nécessité contre les troupes américaines, il a été dispersé en Bavière, la plus grande partie de ses unités parvenant à gagner à pied la province de Salzbourg, voire à franchir le Brenner. Les douze hommes se sont-ils trouvés séparés des éléments étoffés du régiment Hersche qui, après s’être battus à Moosburg, rattachés à la SS-Grenadier-Division « Nibelungen », seront faits prisonniers près de Lofer, à 20 km au sud-ouest de Bad-Reichenhall ? C’est le cas indiscutable de la majorité d’entre eux.
Avant de tomber sous ces balles fratricides en chantant la Marseillaise, sinon en criant « Vive la France ! », dans une atmosphère très pénible quoique de grande dignité, ils ont tous – à une seule exception – été confessés sur les lieux mêmes par l’aumônier d’une autre unité de la 2e DB, le groupe d’artillerie Xl/64e RADB. Ce prêtre, le sous-lieutenant Maxime Gaume (1911-1995), spécialement désigné pour les assister, leur a donné la communion et a recueilli les lettres, écrites sur l’heure au crayon, que neuf d’entre eux souhaitaient adresser à leurs familles. Toutefois, on lui conseillera d’attendre pour les envoyer et il ne les postera pas avant février 1946.

Le caractère tragique de leur situation se lit dans le regard des vaincus qui seront fusillés quelques heures plus tard par des compatriotes. De gauche à droite : le lieutenant Krotoff, le sous-lieutenant Briffaut (au premier plan, en uniforme de la Wehrmacht) et le sous-lieutenant Daffas (regardant le photographe).

Il restera marqué par cette tragédie sa vie durant. Sur ordre, les cadavres furent laissés sur place, tels qu’ils étaient tombés. Le père Gaume interviendra quand même auprès des troupes américaines pour les faire enterrer. Des tombes individuelles, surmontées de croix de bois, seront creusées quelques jours plus tard dans la clairière, puis, dit-on, bénies par un aumônier américain. Malheureusement, quand on exhumera les douze fusillés le 2 juin 1949 pour les transporter dans une tombe commune du cimetière communal Sankt-Zeno de Bad-Reichenhall, seuls les trois officiers pourront être identifiés, deux des croix seulement portant un nom selon le maire de Bad-Reichenhall (l’âge indiqué s’applique à la date du décès) :
— le W-Obersturmführer (lieutenant) Serge Krotoff, 33 ans, domicilié à Paris ;
— le W-Untersturmführer (sous-lieutenant) Raymond Daffas, 37 ans, de Paris également (1) ;
— le W-Untersturmführer Paul Briffaut, 26 ans, de Nice (démobilisé en décembre 1944, en conservant son uniforme de la Wehrmacht précédemment porté dans la LVF).
Un quatrième fusillé, puis un cinquième seront ultérieurement identifiés grâce aux lettres adressées à leurs familles :
— le W-Grenadier Raymond Payras, 22 ans, de Touget (Gers) ;
— le W-Unterscharführer (sergent) Jean Robert, 30 ans, de Nantes.
Parmi les sept autres, restés jusqu’à maintenant inconnus, l’on trouve semble-t-il un seul sous-officier.
Ce sont là les faits avérés. A tous autres égards, quoi que l’on ait pu affirmer ou écrire jusqu’à maintenant sur cette affaire – et l’on ne s’en est pas privé, quitte à déformer les faits de part et d’autre, à faire montre d’une imagination incontrôlée ! – l’on manque de certitudes, l’on est parfois réduit aux hypothèses. C’est bien sûr, comme souvent, le lot de sources contradictoires, aggravées par un inévitable aspect passionnel.



Pour l’exécution voulue selon toute vraisemblance par Leclerc (médaillon), a été choisie cette petite clairière jouxtant le chemin de Kugelbach, sur le territoire de la commune de Karlstein, limitrophe de la petite ville de Bad-Reichenhall, non loin de l’Oberzalberg.


Quand et comment les douze hommes sont-ils devenus les prisonniers de la 2e DB ?

Signalons, pour mémoire, que selon un enquêteur allemand officieux, les douze hommes, d’abord rassemblés dans un hôpital, se seraient rendus le 6 mai à des unités américaines ne pouvant qu’appartenir à la 3e division d’infanterie US. Internés avec des prisonniers allemands dans la caserne des chasseurs de montagne de Bad-Reichenhall, ils s’en seraient échappés en apprenant la présence de troupes de Leclerc dans la ville et, dénoncés par des paysans, auraient été capturés dans un petit bois proche par des unités non identifiées de la 2e DB, a priori la veille de leur exécution.
Pour le père Gaume, par contre, ils se sont rendus aux Américains (2) le matin même du drame et ont immédiatement été remis à l’EM de la division, qui, selon lui encore, s’en est trouvé bien embarrassé. La teneur de la lettre que l’un des trois officiers fusillés a rédigée pour sa femme l’après-midi de l’exécution, dans la clairière même – « Je me suis rendu ce matin aux Américains » – confirme cette dernière version et ne peut que clore ce premier débat.

Une exécution des plus sommaires ?

L’on avance généralement que cette exécution présentait un caractère des plus sommaires. Mais l’on a aussi écrit qu’elle était consécutive à une décision de justice. Or, non seulement la justice militaire divisionnaire du commandant Henriquet était restée avec la base à Dießen, au sud-ouest de Munich, à 125 kilomètres de là, mais encore, le tribunal militaire constituant son organe aurait-il eu le pouvoir de prononcer des condamnations à mort immédiatement exécutoires à l’encontre de prisonniers de guerre, il est vrai avant tout considérés comme traîtres en vertu des nouveaux textes entrés en vigueur en France ?
Près de son PC à Bad-Reichenhall même, le jour même de l’exécution, le général Leclerc, commandant la 2e DB, s’est entretenu avec les prisonniers, comme en témoignent les photos prises par un reporter du service cinéma des armées présent sur place. Il est attesté que les propos échangés furent vifs, le général reprochant aux pitoyables vaincus de porter l’uniforme allemand, l’un d’eux lui rétorquant qu’il se trouvait bien lui-même en uniforme américain… Peut-être était-il particulièrement excédé ce jour-là, tant par l’ordre impératif d’évacuer la région, donné par ses supérieurs américains, que par leurs remontrances – faites notamment par le Major-General Frank W. Milburn (3), commandant le XXIe corps US auquel était rattachée la 2e DB – quant aux pillages immodérés imputables aux troupes françaises. Et puis le caractère passionné de ce croisé, engagé corps et âme dans une impitoyable guerre civile dès 1940 en A-EF, ne pouvait qu’être aiguillonné à la vue de ces compatriotes en tenue ennemie, les tout premiers que ses hommes et lui rencontraient depuis leur arrivée en Allemagne, moins de quinze jours auparavant. Ignorait-il que le gouvernement du maréchal Pétain avait légalement autorisé leur enrôlement ? Une circonstance nécessairement aggravante à ses yeux, sans nul doute.
Payés pour savoir de quelle façon l’épuration s’était déroulée en France à l’été et à l’automne précédents, les soldats de la 2e DB étaient de toutes façons prêts, dans leur majorité, à considérer comme normale toute solution extrême.

La date de l’exécution : le 7 ou le 8 mai ?


Rappelons qu’avant que des éléments de la 2e DB n’y parviennent, Bad-Reichenhall, située dans le secteur tenu par la 352e Volksgrenadierdivision (zbV) allemande du Generalmajor O.E. Schmidt, a d’abord été atteinte et traversée par le 7e Rl de la 3e DI US le 4 mai.
L’on sait, grâce à l’étude minutieuse des journaux de marche de la 2e DB, que des unités de cette division cantonnent d’une façon permanente dans la ville cinq jours durant, du 5 mai 1945 après-midi au 10 mai après-midi, les unités présentes se relayant jusqu’au 8 pour aller visiter le Berghof, la propriété d’Adolf Hitler où les hommes de Leclerc sont arrivés les premiers, à seulement une vingtaine de kilomètres.
Le père Gaume écrira aux familles des fusillés que l’exécution a eu lieu le mardi 8 mai, jour qui marque l’annonce au monde, à 15 h, de la capitulation sans conditions signée la veille, les hostilités ne prenant fin qu’à 23 h 01, heure d’Europe centrale. Cette capitulation ne sera ratifiée que le 9 mai à 0 h 15 à Berlin. Le rapport du 6 décembre 1948 d’une nouvelle enquête effectuée sur la demande du maire par le Polizei-Oberkommissar Aigner auprès des témoins allemands confirme la date du 8, qui sera finalement inscrite sur la tombe commune et la plaque du monument aux morts de Bad-Reichenhall.
Pourtant, si l’on en croit les documents joints aux JMO de la 2e DB, ce jour-là, à l’heure indiquée par tous les témoins, 17 h, le gros du l/RMT (chef de bataillon Fosse), et notamment la 4e compagnie qui procéda aux exécutions, a évacué la ville depuis la fin de la matinée, conformément aux ordres du XXIe corps d’armée US ! Ces derniers visaient toutes les autres unités de la 2e DB cantonnées soit dans la région de Berchtesgaden, soit à Bad-Reichenhall et ses alentours (dans le second cas, outre le l/RMT, le QG divisionnaire sans ses services restés à Dießen, la 97e compagnie de QG, la compagnie mixte de transmissions 97/84, le groupe d’artillerie Xl/64e RADB, la batterie hors rang et la 1re batterie du 22e groupe colonial de forces terrestres antiaériennes). La journée du 8 est d’ailleurs marquée par une intense activité, totalement mobilisatrice, près de mille véhicules de la 2e DB traversant la ville, la quittant ou s’y arrêtant. Les départs s’échelonneront jusqu’au 10.
Le lundi 7 mai, en revanche, le l/RMT, cantonné du 6 au 8 à Bayerisch Gmain – commune limitrophe – reste disponible toute la journée, chargé de la sécurité de la ville de Bad-Reichenhall et prenant à cette fin ses ordres du 3e bureau divisionnaire (chef d’escadron Mirambeau puis lieutenant-colonel Le Comte).
De surcroît, l’on sait parfaitement dans la journée du 7 que la capitulation allemande a été signée à Reims dans la nuit, à 2 h 41. L’EM de Leclerc l’apprend par télégramme dès le matin et Radio-Flensburg l’annonce dans l’après-midi à toute l’Allemagne par la voix du comte von Krosigk. Ajoutons que le groupe d’armées G allemand avait déjà capitulé, les hostilités ayant pris fin dans sa zone d’action le 6 mai à midi.
Par suite de ces divers constats, à moins que le départ de la 4/RMT n’ait été différé sans trace écrite, il y a tout lieu de croire que l’affaire s’est déroulée le 7 mai (4). Sans doute y a-t-il eu alors confusion dans les mémoires des témoins et acteurs liant celle-ci au jour de la capitulation, du fait que seul le 8 mai est resté pour l’Histoire la date officielle de la fin de la guerre.

Découvrir un responsable ?


Il est habituellement suggéré, sinon affirmé, même par des anciens de la 2e DB, que c’est le général Leclerc en personne qui aurait pris d’autorité, ou du moins provoqué la décision de faire fusiller les douze prisonniers, sommairement ou dans des formes plus ou moins légales. Le capitaine Georges Fouquet, l’aumônier divisionnaire, devra admettre, quitte à en faire porter la responsabilité par un officier dont il ne se remémore plus le nom, que la décision a de toutes façons été prise à l’état-major de la 2e DB, ce que confirme le père Gaume. Il ressort du témoignage particulièrement fiable d’un simple soldat de la 97e compagnie de QG, qui adressera des photos à l’une des familles, que personne ne l’ignorait alors !
Le fait qu’un aumônier ait été spécialement désigné pour assister les « condamnés » semble l’attester, connaissant les convictions religieuses affichées du commandant de la 2e DB. D’autant que le père Gaume – il l’a affirmé – fut investi de cette mission par le père Fouquet, de l’état-major.



Il semble par ailleurs établi qu’un contact radio a été assuré préalablement avec Paris au sujet des douze hommes (5), suivi, selon certains, d’une réponse évasive permettant toutes les interprétations. Selon l’aspirant Yves C. (mort en 2000), par contre, alors chef du peloton de protection de QG à qui leur garde aurait été confiée la veille de l’exécution, ordre aurait alors été donné de Paris de les rapatrier en France pour les juger (6). Le lendemain, toujours selon le même, des hommes du RMT, munis d’un ordre de transport du 3e bureau, auraient pris en charge les prisonniers. Leur exécution aurait finalement été décidée par le commandant de la 4e compagnie, le lieutenant Maurice Ferrano (1909-1981), un vieux dur à cuire, compagnon de la Libération depuis 1942 et récemment fait chevalier de la Légion d’honneur, qui se serait ensuite fait sérieusement « laver la tête » par le général Leclerc. Hélas ! S’il est certain que le lieutenant Ferrano organisa l’exécution sur place et désigna les pelotons, la version de l’aspirant C. contredit singulièrement les témoignages les plus solides sur les points essentiels. Elle doit néanmoins être versée au dossier, car elle est la seule à vouloir décharger le commandant de la 2e DB de toute responsabilité.

Eric Lefèvre


La plaque apposée en 1963, photographiée par l’auteur en 1972, au cimetière Sankt-Zeno. Le nom de Payras, oublié à l’origine, a été rajouté.


1. Tôt reconnu par d’anciens officiers de la « Charlemagne » sur les photos prises, mais identifié par erreur comme Robert Stoffart sur la tombe commune du cimetière Sankt-Zeno ayant accueilli les corps en 1949, puis Robert Doffat sur la plaque posée sur le monument aux morts de la Première Guerre du même cimetière, près duquel les restes des fusillés ont été transportés en 1963.
2. Vraisemblablement au 9th Field Artillery Battalion de la 3e division d’infanterie US, cantonné à Bad-Reichenhall à partir du 5 mai. Ce sont probablement des éléments de ce groupe d’artillerie qui les enterreront.
3. Il est venu en personne au QG de Leclerc le 8 mai à 10 heures en compagnie de deux autres généraux. Son chef d’état-major s’était déjà présenté la veille.
4. La lettre de l’un des fusillés déjà citée n’est pas datée et ne permet donc pas de trancher cet autre débat.
5. La liaison radio directe avec Paris était assurée dès le 6 mai par la CMT 97/84 au moyen d’un poste SCR-193, puis d’un SCR-199.
6. A cette date, en vertu de textes rétroactifs, ils étaient justiciables des cours de justice départementales, inculpés de trahison, d’intelligence avec l’ennemi ou d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat.


Voici la présentation de l'ouvrage par l'éditeur :


Le 8 mai 1945, alors que les armes se sont tues dans une Europe dévastée par cinq années de guerre, douze Français portant uniforme allemand sont fusillés sans jugement à Bad Reichenhall, en Allemagne, par d'autres Français, engagés dans la 2e division blindée du général Leclerc. Qui donna l’ordre ? Comment se sont déroulés les faits ? Qui sont ces fusillés ? Comment s'étaient-ils retrouvés là ? Qu'ont-ils dit à Leclerc lorsque celui-ci les a interrogés quelques heures avant l'exécution ? Soixante-cinq ans après les faits, ces questions et bien d'autres restaient sans réponse. Denis Lalanne avait fait des événements de Bad Reichenhall, le cœur de son roman Le Devoir de Français, adapté à la télévision en 1978. Jean-François Deniau évoquait les faits dans son roman Un héros très discret, adapté au cinéma par Jacques Audiard en 1995. Les auteurs passionnés par la Seconde Guerre mondiale ont fouillé cette période difficile pour comprendre comment cette exécution avait pu avoir lieu. Bad Reichenhall nous parle de cette guerre civile qui mit aux prises les enfants d’un même peuple dans une lutte sans pitié. Elle nous parle de notre histoire.

Ce livre donne les clefs de trois ans d’enquête sur une des énigmes les plus délicates et tragiques de la Seconde Guerre mondiale.

Éric Lefèvre est un spécialiste de la Seconde Guerre Mondiale et des Français engagés dans l’armée allemande.

Olivier Pigoreau est journaliste, il s’agit de son premier ouvrage.

150x240 - 300 pages - cahier photo noir et blanc 8 pages

Bravo Merchet


Je n'en reviens pas. Le spécialiste en questions militaires de Libération ose parler d'un livre qui dérange.

Courageux, décapant, il m'étonne. Je finis pas croire que son traitement de l'affaire du légionnaire décédé accidentellement à Djibouti relève de l'erreur de parcours.

Son post, consacré à la parution de l'ouvrage d'Eric Lefèvre et d'Eric Pigoreau sur Bad Reichenhall, est un modèle du genre. Comment aborder honnêtement des faits qui dérangent. Je me souviens d'une conservation avec un journaliste du Figaro, dont je tais le nom volontairement, préparant un grand article à la gloire du Maréchal en question, qui m'a dit froidement que ce crime de guerre n'en était pas car les victimes étaient de mauvais Français.

Fermez le ban et lisez Libération.


Bad Reichenhall : un livre revient sur un "épisode tragique" de la 2ème DB de Leclerc

Le 8 mai 1945, douze Waffen SS français sont fusillés par d'autres soldats français, appartenant à la 2ème DB du général Leclerc. L'affaire se passe non loin de Bad Reichenhall, une bourgade bavaroise au sud de l'autoroute Munich-Salzbourg. L'affaire est connue des spécialistes, mais elle l'est peu et mal, en général rapidement évoquée dans les biographies de Leclerc. Pour la première fois, un livre très bien documenté est entièrement consacré à cet "épisode tragique". Il va faire grincer des dents. Ce fut le cas des miennes...

Disons le d'entrée : les préférences des deux auteurs ne sont pas, loin s'en faut, celles du "pacha" de ce blog, admirateur inconditionnel de l'épopée de la France libre. Eric Lefèvre fut un proche collaborateur de l'écrivain d'extrême-droite Jean Mabire et Olivier Pigoreau est un jeune journaliste passionné par le PPF de Doriot. Ils n'aiment visiblement guère les Gaullistes de la France libre et sont plus attirés par le destin des 15.000 Français qui revêtirent volontairement l'uniforme nazi. Mais, pour y avoir consacré deux ans d'enquête, ils connaissent l'épisode de Bad Reichenhall mieux que quiconque. Et les faits sont là, assurémment dérangeants.

Au pied du nid d'aigle d'Hitler, les combats ont cessé la veille. La guerre est finie. Le PC de Leclerc est installé à Bad Reichenhall. Des soldats américains, qui les avaient fait prisonniers, viennent déposer douze hommes, des Waffen SS, dans la rue où est installé l'état-major de la 2ème DB. Stupeur chez les Français : ces SS sont, eux aussi, français - issus de la Division Charlemagne ! Leclerc passe les voir quelques minutes et une altercation a lieu. Alors qu'il leur demande s'ils n'ont pas honte de porter l'uniforme allemand, l'un des prisonniers fait remarquer au libérateur de Paris qu'il porte bien, lui, l'uniforme américain. C'en est trop. Leur destin est scellé. Dans l'après-midi du 8 mai, ils sont fusillés par la 4ème compagnie du Régiment de marche du Tchad (RMT), dans une clairière proche de Bad Reichenhall. Les corps sont abandonnés là et ne seront inhumés que trois jours plus tard par l'armée américaine.

Qui sont-ils ? Seuls cinq des douze ont pu être identifiés. Leur vie, chaotique et misérable, est longuement racontée dans le livre : tous sont des volontaires, parfois issus de la LVF, qui voulaient combattre le "bolchevisme" au nom de "l'Europe nouvelle". Dans quel cadre juridique ont-ils été fusillés ? Apparamment, cela n'a pas été une question trop longtemps débattue. S'agit-il d'une méprise, de la mauvaise compréhension d'un ordre ? Les auteurs n'y croient pas et il pointe la responsabilité directe du général Leclerc. D'autres historiens contesteront sans doute leur interprétation, mais ils devront le faire à partir des éléments avancés dans ce livre.

Après guerre, cette affaire a fait l'objet de plusieurs enquêtes, dont une confiée à la Gendarmerie nationale. Enquêtes enterrées pour ne pas porter atteinte à la mémoire de Leclerc, concluent les auteurs. Les circonstances de la mort du Maréchal en 1947 sont évoquées, notamment parce qu'un "scénario", auquel les auteurs n'adhèrent pas, expliquerait l'accident de l'avion de Leclerc par un sabotage d'un proche d'un SS français fusillé à Reichenhall...

L'endroit de la fusillade est devenu un lieu de pélérinage pour les nostalgiques du IIIème Reich ; on apprend ainsi que Franz Schonhuber, leader (aujourd'hui décédé) des Republikaner allemands, un temps allié du Front national, en fut l'un des plus actifs promoteurs.

On accusera sans doute les auteurs de ressortir une histoire nauséabonde à des fins politiques. Peu importe : l'historien ou le journaliste ne doit pas se demander quelle cause sert tel ou tel fait qu'il relate- et qu'il faudrait, c'est selon, exposer ou bien taire - , mais uniquement de savoir si les choses sont vraies ou fausses. Et, en l'occurrence, elles semblent vraies.

L'image de Leclerc en ressort-elle salie, abîmée ? Philippe de Hauteclocque n'était pas un saint. C'était un homme, avec ses faiblesses - ses péchés, aurait dit ce grand chrétien - au premier chef desquels la colère et pas mal d'orgueil. Ce que montre surtout ce livre, c'est d'abord que la guerre n'est jamais une jolie chose, même si la cause pour laquelle on la fait est, sans l'ombre d'un doute, la bonne.

lundi 28 juin 2010

L'avenir de la défense française

Je ne suis pas un grand fan du journaliste de Libération Jean Dominique Merchet. Sa présentation de l'affaire du jeune officier chassé de l'Armée à la suite de la mort accidentelle d'un homme de sa section pendant des manœuvres à Djibouti m'a écœuré.

Les plus curieux trouveront les raisons de mon déplaisir sur les posts de ce blog qui lui son consacrés.

En revanche, je dois à l'honnêteté d'écrire que ses analyses sur les questions militaires révèlent une grande compétence et il m'arrive d'être en accord avec lui.

Ce qu'il a écrit sur l'avenir immédiat de la défense en France est frappé au sceau du bon sens.


Mon opinion : replions-nous, mais en bon ordre !


A la guerre, le repli n'est certes pas la manoeuvre le plus glorieuse ni la plus enthousiasmante. Mais elle est parfois indispensable, tous les grands capitaines le savent. Comme ils savent que, de toutes les manoeuvres, elle est la plus difficile à conduire. Car, en la matière, toute erreur se paye par la déroute.

Au plan militaire, la France est aujourd'hui contrainte au repli. L'état des finances publiques dicte sa loi. Quelles que soient les incantations et sauf (mauvaise) surprise stratégique de taille, notre pays ne consacrera pas à sa défense plus de 1,5 à 2% de son produit intérieur brut (PIB) et ce, à terme prévisible. C'est peu, comparé au 4% des années 70, mais c'est ainsi. Quel dirigeant politique, quel parti susceptible de gouverner la France propose d'augmenter significativement les dépenses militaires ? Aucun. Il faut donc faire avec.

La France se trouve dans la même situation que le Royaume-Uni des années 50 et 60. Les Britanniques se sont alors repliés, abandonnant leur politique indépendante au niveau mondial ("à l'est de Suez"), en se mettant à la remorque des Etats-Unis au plan nucléaire, avec les accords de Nassau. Les circonstances sont différentes, mais cette option est aujourd'hui possible pour la France.

Notre retour dans l'Otan pousse d'ailleurs pleinement dans ce sens. Nous deviendrons l'un des meilleurs éléments de l'Alliance, avec une armée capable d'intervenir efficacement aux côtés des Américains. Les militaires, en tant que professionnels respectés, pourraient y trouver satisfaction. Les industriels de l'armement paieraient sans doute un prix très lourd à ce choix, avec la perte définitive de maitrise d'oeuvre de programmes complexes. Nous serions aspirer dans la course à l'interopérabilité avec les Américains, course qui nous épuisera rapidement. Quand aux citoyens français, ils devraient renoncer à ce que leur pays joue un rôle indépendant sur la scène mondiale.

Il existe une autre voie. Tout aussi douloureuse, sans doute, mais qui peut préserver l'avenir. C'est celle du repli en bon ordre, dont le seul objectif doit être de conserver des capacités de remontée en puissance.

La défense d'un pays marche sur deux jambes : les forces armées et l'industrie d'armement. Il est impératif de maintenir l'équilibre entre les deux. Avoir une bonne armée, bien entraînée, ne sert pas à grand chose si l'on est incapable de l'équiper de manière autonome. Si ce n'est, peut-être, à jouer les supplétifs.

La priorité devrait donc être de conserver les capacités techniques, humaines, et industrielles - quitte à réduire les forces. Ce discours ne plaira pas à tout le monde, je le sais. Il est pourtant essentiel que la France préserve ses savoirs-faire dans les domaines stratégiques. Qu'elle les conserve mais a minima, puisque nous n'avons pas le choix.

Prenons l'exemple du Rafale. Si l'on veut conserver au XXIème siècle la capacité de construire des avions de combat sur le sol européen, il faut 1) maintenir l'activité des bureaux d'études ; 2) produire juste assez d'avions pour que les ingénieurs et les ouvriers des chaines de fabrication gardent leur savoir-faire ; 3) gagner des contrats à l'export. Décrocher un contrat pour le Rafale au Brésil et aux Emirats arabes unis est, pour la France, une affaire considérablement plus importante qu'une amélioration de la situation en Afghanistan. Ce qui est vrai pour les avions de combat l'est dans d'autres domaines. Il faut les lister soigneusement en partant, non pas de l'idéal, mais de la situation réelle de l'industrie française - qui est ne l'oublions pas l'une des toutes premières du monde.

Et les forces ? Là encore, la priorité absolue devrait être de conserver les savoirs-faire. Avec des minimums quantitatifs, mais le souci de maintenir la qualité. On s'orienterait vers ce que d'aucuns appellent une "armée d'échantillons". Prenons l'armée de terre : A-t-on besoin de trois bataillons de chasseurs alpins ? D'une entière brigade parachutiste avec quatre régiments d'infanterie para ? De quatre régiments de chars lourds ? Ce qui est vital - car nul ne sait quelle forme prendront les menaces de demain, c'est, par exemple, de maintenir un haut savoir faire dans le combat de montagne, de maîtriser les techniques d'assaut par air et conserver des capacités blindées.

Le génie se consacre beaucoup aux engins explosifs improvisés, ce que personne n'avait anticipé il y a dix ans. Qui peut affirmer que les capacités de franchissement (ponts, etc) ne deviendront pas demain essentielles ? Donc, conserver, sous forme d'échantillons, toutes ces techniques si durement, si chèrement, acquises. La remontée en puissance est aussi une question d'hommes, de ressources humaines, de capacités à les recruter et à les former - la réserve a sans doute là un rôle à jouer.

Pour les forces comme dans l'industrie, il existe des effets de cliquet. On peut facilement abandonner quelque chose, mais, ensuite, le retour est quasiment impossible. Regardez les Britanniques et le porte-avions : ils ont presque tout inventé, le pont oblique, la catapulte, le miroir d'appontage. Et aujourd'hui, ils ne savent plus faire. Souhaite-t-on les imiter?

Ce repli, si douloureux soit-il, est-il possible ? Sans doute et pour une raison simple : le niveau de la menace. Celle-ci est historiquement faible. Jamais notre territoire n'a été, comme il l'est aujourd'hui, autant à l'abri d'une invasion armée. Les stratèges décrivent même notre pays comme étant devenu une île, sans menace terrestre à ses frontières. C'est un luxe que nos anciens auraient aimé connaître. Profitons-en, mais intelligemment. Rien ne dit que cela durera.

La seule menace réelle contre le territoire et ses habitants - et donc la raison d'être de la défense - provient du terrorisme. C'est l'affaire des services de renseignement, de la police, de la justice, parfois des forces spéciales. Là, il ne saurait être question de repli.

Pas plus que dans le nucléaire, parce que la dissuasion est l'assurance ultime que jamais plus une catastrophe comme celle de mai-juin 1940 ne se reproduira. Tant d'argent a été dépensé pour doter la France d'une capacité de dissuasion nucléaire crédible, aujourd'hui réduite à son plus bas niveau possible en vertu du principe de "stricte suffisance", qu'il serait franchement insensé d'y renoncer. Car si on le faisait, il faut savoir que ce serait un aller-simple : on ne pourrait plus jamais acquérir une dissuasion nucléaire. Et il faut craindre que, faute de dissuasion, les guerres classiques redeviennent vite d'actualité.

Que faire alors ? Reduire l'interventionnisme à tout crin hors de nos frontières. Replier les opex et profiter de ce désengagement militaire - qui sera douloureux dîplomatiquement - pour mettre en avant des solutions politiques originales en faisant entendre autrement la voix de la France. Que fait-on encore au sud du Liban, au Kosovo, au Tchad ? Et, évidemment, en Afghanistan ? A quelle guerre serait destiné le contingent de 30.000 hommes que l'armée de terre doit tenir prêt, comme le lui demande le Livre blanc ? Est-il indispensable que pouvoir fournir l''équivalent de deux ou trois divisions à une improbable coalition, forcément dirigée par les Etats-Unis ? Une défense pour protéger, à long terme, la France et les Français ou pour jouer aujourd'hui un rôle dans "la famille occidentale" ? Les réponses, on le comprend, sont éminément politiques.

dimanche 27 juin 2010

Carthagène des Indes, deux points de vue

Sur le site everything, nous trouvons deux intéressants points de vue sur la bataille de Carthagène des Indes.


La fameuse médaille frappée en Angleterre pour fêter la prise de Carthagène des Indes.


Le premier, de la part d'un Espagnol

I have been wondering to know, in English spoken forums and English history websites, if it is true that the War of Jenkins' Ear was hidden from English historians through time.

I was not surprised I read nothing more than "began with an ear cut off" and end with the beginning of the war of the Austrian succession, at every english spoken website. Of course, in that war ocurred the biggest and worse humilliation and defeat made to British navy at war.

We already know the war began with an historic ear but in fact it was an excuse. The real motive been the ambition of English businessmen for controlling the Spanish empire due to their weakened power in America after the war of the Spanish succession

The most important episode on this war was the battle of Cartagena de Indias (Colombia). For those who want to know this episode of history, it is necesary to introduce the figures of the Spanish admiral Blas de Lezo, the English admiral Edward Vernon, and the place: Cartagena de Indias, the main port for Spaniards in America.

After the Jenkin's ear episode at the British parliament, the English king George II sent a huge armada, the biggest amphibious invassion to the Battle of Normandy of 1944, composed of 186 ships, 26400 men and 3000 artillery pieces.

The king of Spain, Felipe V ordered Blas de Lezo to defend the city of Cartagena de indias from the English attack, counting for that task with only 3000 infantry soldiers and recruits and 600 indians archers.

Blas de Lezo's legend started during a long period of continuous victories over the English and Dutch navys during "the Spanish sucession war". In those combats Lezo lost one of his legs, his left eye and a shot in the shoulder leave him a useless arm as well. For all that, he was called half-man or woodleg.

Lezo prepared de port's defence for one year. British arrived at Cartagena on may 5 1741 and in march 13, the English vessels started firing with their canons to the San Luis de Bocachica castle at a rate of 62 canon shots/hour.

After a month of continous bombing, the English disembark and took Bocachica and Bocagrande castles.

Lawrence Washington, half-brother of George Washington, in charge of the 4000 Virginian colonists, spread their troops at La Popa hill. This was the time Vernon commited the mistake of sending a ship with the message of victory to Jamaica. This news were sent to Great Britain where it took an enormous relevance, and George II ordered to fabricate coins and medals conmemorating the victory at Cartagena.

So overconfident was the English admiral about the victory over the outnumbered Spaniards that in April 19 1741 Vernon decided to send their soldiers to the final assault to San Felipe fortress helped for their warships batteries. Meanwhile the Spanish sunk their remaining ships at the ports entrance to divide English troops and hinder their attack.

When they arrived to the fortress walls they realized these beeing bigger as they thought because the Spanish dag up a hole around the fortress and british ladders were too short and useless to take the Fortress.

With that advantage and the British surprised and ensnared, Spaniards opened fire over them, and abandoning their positions, charged against the British, slaughtering them and forcing the reminders to scape back to their ships.

Finally, on may 9th 1741, after 57 battle days, with no food, half of his troops and sailors dead or sick by tropical plagues, Vernon decided to sail back to Jamaica, abandoned many vessels in the way out, due to the lack of people to steer them.

The result:

In the British side:

6000 British died

only 300 of the 4000 Virginian colonist survived.

7500 were wounded or sick and most of them died later on.

50 ships were taken or sunk for the Spanish defences or the British who had not enough men to steer them.

1500 destroyed or captured canons.

At the end, about 16000 British died.

In the Spanish side:

800 died

1200 wounded or sick
6 ships sunk

350 canons temporarily taken by the enemy.



In that battle each Spanish soldier and vessel fought and defeated ten English and American colonists.

The English historians hid the battle by order of the king George II with great succes to the present day as far as we can see.

The defeated admiral Vernon was given a hero's burial with the fallacious legend: "He subdued Chagre and at Cartagena conquered as far as naval forces could carry victory."...Neither victory nor conquest, but he became a hero.

Blas de Lezo died months later for the plagues at Cartagena and was forgotten in history until now. Nobody knows his burial site.
And I can now make sure that if English speakers want to know about this crucial battle for Spanish colonies must go to Spanish history books or websites, although it is quite unknown for common Spaniards.

Some links in english:

http://en.wikipedia.org/wiki/Battle_of_Cartagena_de_Indias

http://es.youtube.com/watch?v=YeywbYKq-NQ

http://www.pieceofeight.com/phpBB2/viewtopic.php?t=10

http://members.aol.com/GlobTreasr/history.html
Carthagène des Indes, ville prise par les Français mais que les Anglais n'ont pas réussi à prendre en dépit d'une supériorité militaire écrasante.


Et voici une réponse anglaise bien argumentée.


This post is intended as a reply to the above article. Specifically I'm challenging the assertion that the War of Jenkin's Ear and specifically the Battle of Cartagena de Indias have been deliberately hidden from the English-speaking world's history books as sensationally claimed.

The battle is certainly forgotten in the British perspective, but it's definitely there in the books. One notable account is given by Sir John Fortescue in his 'History of the British Army', it also turns up as a chapter in the many books about the British navy and army and their Caribbean ventures. It's not covered that much on the Internet but there are a few sites, starting with Wikipedia, as well as Google Book previews. Try searching under 'wentworth, vernon, Cartagena'.

But basically the 18th century just isn't a popular period in British popular culture, unlike the Napoleonic or Agincourt eras. Even the era's victories get little coverage online. If you look for accounts of the 1782 'grand assault' on Gibraltar, which was like Cartagena with the roles reversed (and the British even more outnumbered) you'll find very little – and searching gives you mostly books rather than Internet write-ups. And if you try to find accounts of 'successful Cartagenas' such as the captures of Havana and Manila you'll find virtually nothing, these, like Cartagena, are forgotten in the UK.

It's true that King George did attempt to 'cover up' the battle at the time, but hiding defeats from the people was standard practise back then, in fact kings and governments have continued doing it up to today. He was, however, unsuccessful. The expedition's two commanders, Admiral Vernon and General Wentworth, were very quick to publish and distribute pamphlets blaming the debacle on the other. These were followed up by pamphlets penned by resentful veterans condemning the expedition's mismanagement.

So it was no secret then, and hasn't been since. British historians do acknowledge it, but of course don't quite see it the same way as the winning side.

Justifiably proud Spaniards view Cartagena with the winners' mythology – as the English do the Armada, Waterloo and the Battle of Britain. And when stripped of that mythology and put in the context of military history, Cartagena, though a brilliant and heroic defence, doesn't quite match up to the superhuman event some portray it as (one Spanish acquaintance of mine calls it: "The greatest victory in the history of victories in all the ages.")

There are a number of myths attached to it (besides the cover-up one), some of which are repeated in the article above - which I should add is very good and far more objective than many.

For example, the event is sometimes termed Britain's worst naval defeat, when it wasn't really a naval battle at all. The Royal Navy did suffer heavily, but due to onshore batteries surrounding them in the narrow harbour. In fact, as pompous and ridiculous as Vernon's epitaph that at Cartagena he "conquered as far as naval forces could carry victory" seems, it is essentially correct. The Royal Navy did achieve its objectives of securing the harbour and landing troops. The Spanish only had six ships, and these were soon scuttled to block the harbour.

It's on land that the 'battle', more correctly a siege, was lost. Essentially that boiled down to the failure of the 5-6000-strong landing force to capture the town before tropical diseases like yellow fever destroyed it, and the rainy season forced the fleet to depart.

And it certainly wasn't the largest amphibious assault before D-Day as suggested on some sites. The Ottoman assaults on Rhodes and Malta and the Mongol invasions of Japan are just a sample of pre-WW2 expeditions that used fleets of a comparable or larger size and carried a lot more troops than Vernon's (and Gallipoli in WW1 dwarfed them all). Even the British expeditionary force to New York at the start of the American Revolution far exceeded Vernon/Wentworth's in terms of men and munitions.

Then there is very loose interpretation of the numbers involved on both sides. Of course it's tempting to count every sailor and cabin boy as the British 'assault force'(estimates range from 23-31,000 men). But only 12,000 of these were infantry, half were British regulars and marines with the remainder made up of American militia and machete-armed Jamaican slaves. The British commanders held the latter two components of their force in utter contempt, which may explain the fact they only landed 4-6000 troops.

The major battle of Cartagena involved the British assault on San Felipe, which though not fully developed at the time was well on its way to becoming the era's largest fortification in the western hemisphere. It was a sensationally bloody failure.

British sources put the number of troops committed to the San Felipe assault at 1,400; Spanish sources, when they mention numbers at all, tend to assume the full 4-6000 strong landing force was committed. Of course some less objective Spanish sources remain studiously silent on the actual numbers involved, leaving the reader to infer there were 23,000 British soldiers swarming up the fort walls (which were held by around 600 men).

It's really no wonder that with this kind of misinformation some Spanish people feel the fact Cartagena isn't counted as one of the world's greatest victories can only be the product of some kind of Anglo-conspiracy.

Spanish numbers also get played down. They are often given as only 3600, but besides his regulars, marines and native auxiliaries, Admiral de Lezo also had sailors, armed townspeople and slaves. According to the Cartagena Tourist Board there were up to 6,000 defenders - fighting from well-prepared fortifications with hundreds of guns.

Taken in the context of other siege situations in history, de Lezo wasn't in too bad a position, especially as he knew he only had to delay the attackers until the onset of disease and the rainy season. He was certainly aided in this by the grotesquely incompetent Admiral Vernon, whose bickering with the oddly dithering infantry commander Wentworth wasted a lot of time they didn't have. Notably he refused to supply battery support for the assault on San Felipe on the dubious grounds the harbour was too shallow.

This meant the infantry force had to attack without artillery forcing them to storm the walls with ladders - a brave but suicidal tactic thwarted by de Lezo's digging around the walls so the ladders couldn't reach. The Spanish then appear to have launched a bayonet charge into the shattered and retreating British as they became entangled in the trenches outside the fort. I say 'appear' because a minority of modern Spanish sources present a very different account of the bayonet charge, describing it as a surprise assault on the British camp - this is an intriguing discrepancy because the latter is actually what the British defenders did to the Franco-Spanish force at Gibraltar, and it would be somewhat ironic if the two assaults had become conflated.

The article above repeats the fiction that the Spanish bayonet charge drove the British back to their ships. Not quite true, once they were clear of the killing zone of San Felipe's walls and trenches the British actually made an orderly covered retreat the long distance back to their camp. After all, they still had more than enough troops to finish the job. Or so their commanders thought. Following the assault's failure, Vernon ordered a siege and bombardment of San Felipe only to be told yellow fever had reduced the artillery and infantry to a point that it simply wasn't possible. The landing force returned to their ships and the British eventually departed, utterly defeated, their numbers halved by disease.

British battle casualties (estimates are up to about 3000 killed, up to 7000 wounded over three months fighting on land and sea - though accounts are confused regarding the ratio of battle-disease casualties) were heavy but not extraordinary for an amphibious siege assault on multiple heavily-fortified and -gunned strongholds. At Gibraltar the Franco-Spanish assault force lost a similar number in a couple of days.

It was diseases such as yellow fever that cut down the British fleet and army in the thousands, not for the first or last time during Britain's Caribbean ventures. It's no wonder British sailors and soldiers considered posting to the Caribbean to be the equivalent of a death sentence. As one historian wryly noted, had the British been successful in capturing the city they would simply have had the privilege of dying a diseased death inside its walls, as their more 'successful' compatriots did in Havana, rather than in the harbour and on the voyage back to Jamaica.

Disease also hit the Spanish side, with the heroic de Lezo succumbing soon after seeing the British off.

So it was a brilliant victory crowning the career of a brilliant man. But Britain has suffered worst defeats, and in open battle situations, and for that reason Cartagena de Indias is remembered in British perceptions more for the shocking disease toll, and is cited as a lesson in what happens when different armed branches (in this case the navy and army) don't cooperate. But in general it has been largely forgotten, just as few Spanish people are aware of the reverse event at Gibraltar despite that occurring on what is, at least rightfully, their soil.

As for the coins? Once again, reporting victories before the fact was common practice before modern communications, though in that case it went spectacularly wrong. I'll never understand why George Washington's half-brother named his estate after Vernon, he was there after all, and Vernon tried to put some of the blame on the American forces. In fact Cartagena sometimes turns up in books exploring the build-up to the American Revolutionary War, as an example of the intense ill-will between British regular troops and colonial forces.

Ultimately, in Brtish eyes, Cartagena de Indias just goes down in the long list of failed/successful imperialistic land grabs that modern Britain no longer wants to think about. Spain would pay it back in kind during the American Revolutionary War and neither side can claim moral superiority - there's no honour amongst thieves and frankly that's all colonialist and imperialist powers are.

Had Vernon been successful, what then? Perhaps Columbia would have been another Belize or Jamaica with English-speaking masters rather than Spanish, for a while at least. Both England and Spain's days in the New World were already numbered.

Ultimately my main point is that Cartagena de Indias hasn't been struck from the history books as some have sensationally claimed. It's just viewed with the loser's pragmatism rather than the winner's mythology.

L'histoire truquée par les Anglais



Cartagena de Indias, le pire désastre militaire de l'âge de la voile. Une défaite que les Anglais s'obstinent à cacher au monde.


L'histoire maritime est le domaine des Anglais et ils veillent à ce que la réputation de leur pays soit sans tache.

Je suis le seul à révéler qu'en plus de deux siècles, les historiens anglais, si prompts à décortiquer la moindre des campagnes de Nelson ou encore les malheurs de l'Armada d'Angleterre, se gardent bien de s'intéresser au pire désastre du XVIIIe siècle, la défaite humiliante de l'invincible armada anglaise qui, sous le commandement de lord Vernon, a fait voile vers le Nouveau Monde pour s'emparer des provinces américaines de l'Espagne.

Les Nord-Américains, qui ont perdu beaucoup de jeunes gens de bonne famille dans cette déconfiture anglaise, sont les seuls à aborder la question à travers le sort de leurs soldats.

Après avoir rappelé que sur 5000 jeunes colons anglais ayant rejoint lord Vernon, moins de 500 sont revenus, l'auteur américain Charles Winslow Hall dans son roman publié en 1898 Cartagena : or, The lost brigade; a story of heroism in the British war with Spain, 1740-1742, écrit :

Of the failure of the several expeditions under the direction of Lord Vernon, history has heretofore been remarkably silent; and for some reason, with the exception of the attempt on Cartagena, the operations of the English fleet and army in the West Indies from 1740-44, inclusive, seem to have been kept from the English public with astonishing success.
Une traduction rapide : « L'histoire [anglaise] est restée remarquablement silencieuse sur l'échec des différentes expéditions conduites par lord Vernon. A l'exception de la tentative sur Carthagène, les opérations de marine et de l'armée royales dans les Indes occcidentales entre 1740 et 1744 ont été occultées pour quelque raison au public anglais avec un succès étonnant. »

Cet ouvrage s'inscrit dans l'effort de mobilisation du public des Etats-Unis contre l'Espagne dans cette guerre de conquête et de rapine où la puissante Amérique va s'emparer de Cuba, de Porto-Rico et des Philippines.



Pour lire l'intégralité du roman de Charles Winslow Hall, cliquer ici.
Avec beaucoup de retard par rapport à notre blog, le Figaro s'intéresse à la détresse des Blancs pauvres en Afrique du Sud et révèle que, pour la plupart, ils sont les victimes de la discrimination positive. Un avant goût de ce qui nous attend ?

Afrique du Sud : voyage au coeur d'un ghetto blanc

C'est l'apartheid à l'envers. En Afrique du Sud, des «petits Blancs» laissés-pour-compte du nouveau régime croupissent dans une misère effroyable. Mis à l'écart dans des camps de fortune, ravitaillés par des Noirs, ils tentent de survivre tant bien que mal, parfois depuis plusieurs années.

Direction Krugersdorps, une ville située au Transvaal, dans la province de Gauteng. A une trentaine de kilomètres de Johannesburg, dans un township de Blancs dénommé Coronation Park, végètent dans une crasse effroyable quelque 400 Afrikaners ces Africains à la peau blanche d'origine néerlandaise, française, allemande ou scandinave, descendants des colons du XVIIIesiècle. Parmi eux, Anne Le Roux, 60 ans, est assise sur une chaise, les yeux rivés sur une photo. Ah... le mariage de sa fille... Il est bien loin ce temps où Nelson Mandela était le premier président noir du pays, où elle vivait avec son époux dans une maison à Melville, où elle travaillait comme secrétaire... Aujourd'hui, seize ans après l'accession au pouvoir de «Madiba», Anne partage une caravane déglinguée et une pauvre tente avec sept autres personnes, dont sa fille et ses quatre enfants, dans un campement pour Blancs. Anne Le Roux fait partie de ces 450.000 Sud-Africains blancs qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (dont 100.000 peinent à survivre). Comment en sont-ils arrivés là ? Principalement à cause d'un renversement brutal de la législation, à la suite de la fin de l'apartheid:la loi de 1922, par exemple, qui fixait la liste des emplois réservés aux Blancs, permettant à des personnes non qualifiées de bénéficier d'emplois réservés dans l'administration et de logements sociaux, n'est plus qu'un lointain souvenir. Et la crise économique mondiale n'a rien arrangé.




Mara Udwesthuizen, 64 ans, entourée des maigres souvenirs qui lui rappellent des jours meilleurs... De 1948 à 1991, l'apartheid assurait aux Blancs la sécurité économique et un emploi. (Finbarr O'Reilly/Reuters)
Lorsque son mari est décédé, Anne Le Roux a eu le malheur de prendre des congés. A son retour, on lui a annoncé sans ménagement que son poste avait été attribué à une autre personne:«Prenez vos indemnités, merci pour ces vingt-six années de bons et loyaux services, et bon vent!»Avec ses compensations, elle a d'abord pu un temps héberger certains membres de sa famille, qui se retrouvaient dans la même situation qu'elle. Mais le pécule a bien vite fondu, et avec lui les illusions d'Anne sur la nouvelle société sud-africaine. Désormais, elle vit dans ce camp de Coronation Park. Et comme tous ceux qui ont travaillé avant de sombrer, une question ne cesse de la hanter... «Comment ai-je pu tomber aussi bas?» La réponse, Anne Le Roux la connaît pourtant:«Ils ne me reprendront jamais à cause de la situation...», déplore-t-elle, le regard rivé sur la photo jaunie par le temps. Notre couleur de peau n'est pas la bonne, ici, en Afrique du Sud», ajoute-t-elle, venant grossir la complainte de ces milliers de délaissés.

Bien sûr, la majorité de la population blanche profite encore d'une bonne situation au pays de la Coupe du monde de football. Mais il n'empêche que le nombre des défavorisés n'a cessé d'augmenter au cours des quinze dernières années. Selon l'Institut d'études de sécurité d'Afrique du Sud, le taux de chômage des Blancs a ainsi doublé entre 1995 et 2005. Alors que l'apartheid protégeait les Blancs du chômage et les éloignait des non éduqués on promettait aux plus faibles qu'ils seraient soutenus par le service civil et que même les plus nécessiteux d'entre eux auraient droit à une maison, avec piscine ! , la donne a changé du tout au tout et la sécurité économique qui les entourait a disparu. Jusqu'à reproduire un apartheid à l'envers. A statut égal, c'est à présent le Noir qui prime sur le Blanc. Triste retour de balancier.




Dans une tente faite main rattachée à une caravane, Vernon Nel vérifie ses e-mails. Un modem sans fil alimente les ordinateurs. Ainsi, les six personnes vivant là peuvent-elles avoir accès à internet. (Finbarr O'Reilly/Reuters)
Beaucoup de démunis, anciens travailleurs ou éternels accidentés de la vie, se retrouvent donc ici, à Coronation Park. Jouxtant la ville de Krugersdorps, le camp s'entasse derrière un espace vert où les familles des classes moyennes viennent pique-niquer le week-end. Entouré de petits terrils ocre jaune le fruit du travail de générations de chercheurs d'or , l'endroit fut d'abord utilisé par les Britanniques comme camp de concentration pour Afrikaners durant la guerre contre les Boers, au tout début du XXesiècle. Aujourd'hui, il accueille quelque 400 squatters issus des quatre coins du pays. Les chats et les chiens errants vagabondent entre les amas de détritus et les voitures abandonnées... Ici, on cohabite avec la saleté et l'on tente de faire face à la faim, au chômage et aux maladies. Pas facile, naturellement, de se faire soigner:un grand brûlé dans l'incendie de sa caravane qui avait pris feu après qu'il eut allumé des bougies, à la suite d'une coupure d'électricité en a fait récemment l'amère expérience : dix heures après son arrivée aux urgences, personne ne s'était encore occupé de lui...

A 29 ans, Lukas Gouws n'a ni travail, ni femme, ni enfant. Résigné, il fume cigarette sur cigarette, les yeux perdus dans le vide. Nombre de ces déshérités finissent dans l'alcool ou la drogue. (Finbarr O'Reilly/Reuters)
Et pourtant, à un tel niveau de déchéance, on est frappé par la dignité que conservent la plupart des habitants du camp. Même dans la misère, ils tentent de soigner leur image et répugnent au laisser-aller. Ils se lavent avec des bassines qu'ils remplissent grâce à la quinzaine de robinets installés dans le camp, vont chercher leurs provisions, cuisinent, bricolent... Certains, comme André Coetzee, survivent grâce à de petits boulots. Lui distribue les journaux aux feux rouges et devant les supermarchés. Même à pied, même pieds nus, les enfants vont à l'école. Comment s'organisent-ils? Le chef du camp, Hugo Van Niekerk, s'occupe d'approvisionner les familles en nourriture. Il récolte des dons auprès des habitants des alentours, mais explique qu'il ne veut pas apporter les vivres sur un plateau d'argent:«Pour les motiver à chercher du travail et à améliorer leur situation, je leur crée un univers assez confortable pour qu'ils puissent vivre, mais suffisamment inconfortable pour qu'ils se remuent», lâche-t-il sans sourciller. Pour autant, les dégâts humains sont importants. Certains sombrent dans l'alcoolisme, d'autres dans la drogue. Face à cette situation, que fait le gouvernement?

L'an passé, durant la campagne électorale, le président Jacob Zuma a visité l'un de ces «camps pour Blancs», proche de la capitale, Pretoria. Il s'était alors dit «choqué et surpris» par ce qu'il voyait, dans un pays où «être blanc était jusqu'ici synonyme de bien portant». «La pauvreté noire ne doit pas nous faire oublier la pauvreté blanche, dont il est de plus en plus embarrassant de parler...», avaitil même déclaré. De là à dire que la situation s'est améliorée...

Des jeunes désoeuvrés jouent avec un vieux pneu sans doute récupéré dans la décharge voisine. Le président sud-africain Jacob Zuma s'est pourtant engagé à combattre «la misère blanche», silencieuse et taboue. (Finbarr O'Reilly/Reuters)
«Les Noirs sont plus avantagés que les Blancs, maintenant... Et puis, on les a montés contre nous, déplore Denis Boshoff, l'un des habitants du camp. C'est si injuste. On nous avait dit que nous serions égaux... pas inégaux», soupire-t-il. Silence dans le campement. On fume, les yeux perdus dans le vide. Les Afrikaners se sentent abandonnés par les pouvoirs publics. Un sentiment qui a fait grandir en eux un certain fatalisme, un repli sur eux-mêmes, ainsi qu'un regain de ferveur religieuse. La Bible est présente dans chacune des caravanes de ces calvinistes, fervents nationalistes qui restent très attachés à cette terre africaine. L'un d'eux, faisant mine de s'interroger sur une éventuelle punition divine qui leur aurait été infligée, cite quelques versets à haute voix:«Dieu m'a mis une écharde dans la chair» (II. Cor. 12.7). «C'est pourquoi je me plais dans les outrages, les calamités, les persécutions, les détresses, car quand je suis faible, c'est alors que je suis fort» (II. Cor. 12.10). La foi aide à vivre.